Vous êtes tendance sado ou maso ?
Il y a des coïncidences ! Dans l’Aubrac, je lisais les lettres de Muriel Cerf à Bertrand Cantat dans sa prison de Vilnius et, un après-midi de pluie, on a mis Elle de Paul Verhoeven. C’est exactement la même histoire. Dans le film, Isabelle Huppert reçoit de magistrales gifles de la part d’un homme qui la viole et auquel elle se soumet. Muriel confesse subir le même sort et c’est un peu ce qui la pousse à écrire à Bertrand comme si elle se mettait à la place de la pauvre Marie.
J’ai d’abord trouvé le film exagéré mais Muriel m’a permis de comprendre ce qu’on caricature sous le nom de masochisme. Je ne crois pas que la douleur physique puisse s’inverser en jouissance mais il peut arriver qu’on préfère encore ça plutôt que la rupture avec la divinité.
Dans le cas de Muriel, ce qui est incroyable, comme dirait Manfred, c’est qu’elle n’arrête pas d’instruire le procès de la passion dans ses romans. Flaubert, Proust et Albert Cohen avaient déjà montré la vanité de cette bulle imaginative qui écarte de la vraie vie, mais il me semble qu’ils s’en étaient sortis. Muriel non, malgré toute sa lucidité.
Dans ses lettres à Bertrand Cantat, on sort de la littérature pour revenir dans la vraie vie. Elle rend son humanité au meurtrier de Marie et cela me touche, quoi qu'en pense Émane, mais on lit la fascination. Elle montre que la folie est l’avenir de la passion, par différence avec l'amour et avec l'amitié, et que la soumission, l'emprise, la dépendance peuvent entraîner au péril de la vie-même.
Une fois, avec Michèle, au pied de l’Acropole d'Athènes, j’ai entendu la puissante voix de Bertrand Cantat poursuivi par les Érinyes. Il faisait le chœur avec ses percussions dans Les Trachiniennes de Sophocle. Je suis tombé sous le charme…
Photo : Le Taj Mahal construit par Shah Djanan pour son épouse Mumtaz Mahal, son amour disparu.
Kommentare