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Vivre sans passion ?




L’autre jour, allé charger des plaques de marbre à l’arbre-lyre, j’ai mis la radio de la voiture à tue-tête. Il y avait La jeune fille et la mort de Schubert que j’ai écouté 100 fois au temps de mes premières amours. Que d’émotion à réentendre ce violon qui frémit comme un cœur qu’on afflige.

Là-dessus, une de mes amies chères m’écrit que la passion, c’est fini, que ça porte malheur et que les esprits rationnels s’en sortent beaucoup mieux en matière de couple. Je sais bien que j’ai moi-même instruit le procès du romantisme.

Mais à réécouter cette musique si tragique après tant d’années, je me suis demandé s’il était possible de ne pas faire place aux émotions que procure la passion. Combien de chefs d’œuvres seraient caducs s’ils n’avaient plus d’écho dans nos cœurs ?

Béatrice n’avait que 9 ans quand elle foudroya Dante. Pétrarque vit le même jour le ciel s’ouvrir et se fermer dans les yeux de Laure. Tristan et Iseut burent le philtre suivis par Roméo et Juliette, Julie et Saint-Preux, Félix et Madame de Mortsauf, Fabrice et Clélia, Angelo et Pauline, chacun mettra les noms qu’il voudra.

Oui, l’amour et la mort forment le grand mythe occidental. Pourquoi la mort ? Mais parce que ces amours sont toujours adultères, donc impossibles. Ce qu’il nous faudrait, c’est une passion permise et qui dure toute la vie. Et au-delà...


Photo : Dante rencontrant Béatrice sur le Ponte Vecchio par Henry Holiday (1883) Encore une jeune fille en vert !

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Apr 28

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