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Un p’tit déj ghanéen au Nord Pinus



Réveil pluvieux ce matin à Arles où roule le Rhône, comme dit Prévert. Arles aux hauts volets, ville pleine de Romains, de taureaux, d'Arlésiennes, de cafés la nuit, de moustiques, de livres et de photos.

Le classicisme sobre du Nord Pinus était tout à fait à notre goût, avec une dominante dans les bruns-beiges. La serveuse du petit-déjeuner était noire.

- Attention, me dit Michèle, dans tout blanc, il y a un colonialiste qui s’ignore…

- Risque pas, moi, je suis anticolonialiste en diable !

Au mur, Michèle a tout de suite reconnu les photos noir et blanc qu’on avait admirées aux Rencontres photographiques six mois plus tôt. Pour la draguer, j’ai demandé à la serveuse de qui étaient ces photos. Elle m’a répondu : Vous avez l'bouquin, là, sur l’étagère.

L'bouquin ? L’avais-je offensée ou voulait-elle au contraire me faire valoir qu’elle était émancipée ? En tout cas, il faudra que je signale cette désinvolture à la direction. En plus, elle a traversé le clavier de mon ordinateur mon verre de jus de pamplemousse à la main...

En effet, c’était bien James Banor, qui a si bien photographié ses compatriotes dans les années 50 dans son studio d’Accra. Accra, c’est au Ghana, Louis nous l’avait appris, il y a peu. Le Monde d’hier racontait que ce petit pays anglophone était pollué par les tonnes de vêtements usagés transportés par containers depuis l’Europe. Un vrai fléau ! On a feuilleté le livre, mélange d’africanité et d’occidentalité dans le vêtement des personnages, le mobilier, etc. Et quels beaux dégradés de blanc, de gris, de noir…

J’aime bien les noms avec des A, cette voyelle noire, comme Accra, Jaffa ou Saint-Jean d’Acre et j’ai proposé à Michèle de faire un tour du monde proustien en ne visitant que des villes en A.

Au sortir, je me suis trouvé en face de la serveuse qui a voulu s'effacer. J’ai refusé avec insistance en lui faisant un petit signe de tête et elle est passée devant moi.

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