Un changement d’épistémé
On ne cesse de dire autour de moi et je ne suis pas le dernier à le faire :
Les jeunes ne lisent plus, les fondamentaux de la culture européenne sont perdus. Impossible de faire lire, même à des étudiants de fac, Le Rouge et le Noir in extenso ou Illusions perdues en dehors de quelques amateurs comme il y en a pour le japonais ou le sanskrit. On ne connaîtra bientôt plus Le Petit Poucet et on ne saura pas ce qu’est un arbre perché. L’image a tout tué et il ne reste plus que la conso.
Vieux propos qui ne signifient rien, sinon qu’on n’a pas pris la mesure du bouleversement en cours. Le livre papier qu’on lit de la première à la 432 ème si ce n’est la 525 ème page, c’est fini, et il n’y a pas tant à se désoler. Les jeunes de 10 ans en savent dix fois plus que nous à leur âge sur mille choses et ce n’est peut-être pas l’école qui leur a appris le plus. Ils jonglent du matin au soir avec leur clavier, ç-à-d avec les 24 lettres de l’alphabet, leçon continue d’orthographe et de vocabulaire tous azimuts. Ils regardent des films et des séries, plus ou moins bons, d'accord, mais c’est du langage articulé et d’un niveau de grammaire et de lexique le plus souvent très supérieur à ce qui se bafouillait dans les familles et dans les villages au temps, pas si ancien, où 75 % des jeunes n'allaient pas au lycée.
Pareil pour les contenus. C’est vrai qu’on ne lira plus Homère, les Tragiques grecs ni les grands classiques de la littérature mais les héros, les péripéties, les paroles les plus marquantes nous reviennent aux oreilles et aux yeux sans arrêt. L’histoire et la géographie pareil, bien des enfants sont initiés aux 5 continents, à l’Antiquité, au Moyen-âge, aux guerres mondiales, etc., suffisamment pour y avoir pris goût et s'y intéresser plus tard peut-être. Ne parlons pas des sciences naturelles, des techniques et de mille choses où nos enfants sont de vrais petits savants qu'il ne fait pas bon contredire.
Alors arrêtons de gémir, prenons la mesure du changement d’épistémé, comme disait Michel Foucault. Si nous ne passons plus quarante heures à déchiffrer des thèses et des bouquins savants, wikipédia nous en apprendra dix fois plus en dix fois en moins de temps. Tamisons, orpaillons, sélectionnons, épurons. Nous sommes surplombés par une masse de plus en plus écrasante de livres et de savoirs : l’heure est à la vulgarisation et à la simplification. Ce qu’on perd en abandonnant nos taupinières, on le regagne en prenant de la hauteur. Vive internet !
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