Les enfants ont du génie
Je retrouve internet après 10 jours de panne. Il a fallu changer la box et je reprends mes billets interrompus. J'espère que vous allez bien, mon cher lecteur bénévole, et que vous n'avez pas attrapé le Covid.
Voilà donc Noël passé, fête chère à tous les bons croyants, juifs, musulmans, chrétiens et d'autres obédiences même. Nous, on a fait fait un bon repas au coin du feu, non sans pensées pour tous les malheureux restés dans la tempête. On a aussi échangé quelques cadeaux en évitant la matière plastique si polluante et en sacrifiant le moins possible à la surconsommation et au productivisme. Les emballages sont passés dans la cheminée sans laisser de trace et les déchets organiques ont été rendus à la grande nature comme dit Baudelaire.
Le feu de cheminée est notre plus grand plaisir. Le top, c'est bien sûr l'odeur poivrée du cyprès ou du genévrier, quand on a la chance d'en avoir, mais l'odeur résinée du pin est bien belle aussi. Il me restait de vieilles souches à moitié décomposées que je n'ai pas eu de peine à faire exploser avec une masse et deux coins. Je mets mon point d'honneur, tel les Amishs chers à Emmanuel, à n'utiliser qu'une allumette, un peu de papier, de la broussaille et des morceaux de bois bien hiérarchisés, du plus petit au plus gros, sans jamais ces substances chimiques de supermarché.
Les légions romaines avaient aplani le terrain et unifié le bassin méditerranéen pour répondre sans le savoir au signal de Virgile. Quelle belle coïncidence entre la naissance de l'enfant et le solstice, moment où les jours basculent et commencent à rallonger. Quelle esthétique de la simplicité dans cette étable chauffée par deux gros mammifères !
À propos de simplicité, j'ai été frappé par une phrase de Proust captée à la radio où le narrateur de la Recherche se désole de sa mauvaise propension à repousser à plus tard le moment d'agir. J'étais, confesse-t-il, victime de "procrastination, comme aurait dit saint-Loup". Vous sentez l'ironie de ce "comme aurait dit Saint-Loup", gentiment accusé d'un peu de pédantisme à utiliser des mots gréco-latins de 5 syllabes que l'homme de la rue ne comprend même pas. Proust fait des phases longues à la syntaxe complexe, c'est entendu, mais son lexique, je veux dire son vocabulaire, est d'une extrême simplicité. Il n'essaie jamais de nous en mettre plein la vue. C'est encore plus vrai de Péguy : il dit par exemple que quand un peuple barbare comme l'Allemagne s'apprête à attaquer un peuple civilisé comme la France, tout ce qu'il y a à faire, vu que ce n'est pas nous qui décidons de la paix ou de la guerre, c'est de préparer de grosses chaussettes de laine bien chaudes et de les fourrer dans sa sacoche en prévision des longues marches sous la pluie.
Dans deux jours, ce sera la fête païenne avec ses orgies, et ses rires qu'on entend d'un étage à l'autre, n'est-ce pas, gens de la ville ? On écarte les enfants et les vieux car c'est la fête des adultes pleins de luxure.
Mais à Noël, les enfants se blottissaient devant le feu comme dans Le petit Poucet. Ils ont beaucoup dessiné et je vous mets les compositions d'Antonia, 9 ans. J'ai rassemblé les petits bouts de papier qu'elle a griffonnés en moins d'une heure, stupéfait par la variété de son inspiration...
Comments