Tristes momies
Visite du musée égyptologique de Turin. Les petites, comme dit Marcel Aymé, se sont régalées. Ce musée contient les plus belles collections après celui du Caire, mais mon admiration a été mêlée d’un sentiment de malaise grandissant. Ça a commencé derrière un attroupement de lycéens qui se bousculaient avec une curiosité morbide pour regarder un corps en position fœtale. La malheureuse momie dépouillée de ses bandelettes était complètement dénudée, recroquevillée sur elle-même comme pour échapper aux voyeurs.
Ce ne sont pas seulement les dépouilles de ces pauvres momies savamment préparées pour la renaissance dans l’éternité qui étaient profanées par ces regards curieux, les dieux eux-mêmes étaient abattus de leur piédestal métaphysique et livrés à l’érudition et à l’esthétique, si ce n'est à l'ironie démocratique. L’effort de tout un peuple était réduit en poudre par l'incrédulité moderne.
Ma gêne a atteint son comble devant les photos agrandies des égyptologues anglais, français, italiens, etc., d’il y a un siècle, en costume cravate, montre en argent, lunettes finement cerclées, moustache impeccable, connaissant au moins 7 langues antiques en plus des hiéroglyphes. D’autres photos représentaient une longue théorie de fellahs harassés de poussière, de chaleur et de mouches, occupés, pieds nus, à extraire de la caillasse absolue de la Vallée des Rois les vestiges que leurs lointains ancêtres avaient pieusement dérobés à la vue au prix de travaux immenses. On voyait en particulier une file indienne de porteurs chargés, tantôt sur la tête, tantôt à bout de bras, des trésors extraits de tombes qui avaient échappé aux voleurs pendant quatre mille ans.
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