top of page

Sur l'incorrigible coquetterie féminine


Bruno : Un détail m'avait frappé dans La Montagne magique. Parmi les rumeurs qui circulaient aux oreilles de Hans Castorp pendant les plantureux dîner au sanatorium du Berghof, on prétendait que pour subir leur radiographie pulmonaire mensuelle avec le médecin-chef, les femmes arboraient leur plus belle lingerie. Jusqu'où ne vont pas se loger la coquetterie et la vanité féminines ! Les pauvrettes !

Alice : Je dirais plutôt que c'est la moindre des politesses de se présenter dans une tenue décente devant le corps médical !

- Décente, peut-être, mais pas provocante...

- Qui a dit ça ?

- Tu as peut-être raison, après tout... Pour être des scientifiques et des techniciens, les médecins n'en sont pas moins hommes. Peut-être qu'il est bon de vérifier de temps à autre s'ils ont les yeux en face des trous.

- Quelle expression vulgaire !

- Moi, quand je faisais passer des examens, ce n'étaient pas des examens médicaux, c'était de la littérature, la première chose que je faisais, c'était de vérifier l'état des ongles de la candidate. Gare à elles si elles n'avaient pas révisé leur vernis depuis huit jours !

- C'est qu'elles avaient pâli sur les livres et les cahiers. C'est leur programme qu'elles avaient révisé !

- C'est surtout un manque de respect envers leur examinateur ! Je sais déjà qu'elles ne pourront pas avoir la moyenne tandis que celles qui ont les ongles parfait repeints le matin-même...

- Je vois qu'en moins de deux minutes, tu as trouvé le moyen de dire une chose et son contraire.

- Moi ? Je n'ai qu'une parole !

- Tu as pourtant commencé à critiquer la coquetterie et puis tu l'exiges avec un machisme prononcé.

En plus, ta lecture de Thomas Mann est fausse. Ce n'est pas Thomas Mann qui commente l'élégance des femmes pour la visite médicale : ce sont des propos de table de bas niveaux, des ragots, auxquels tu t'es mêlé. Tu as confondu le point de vue de l'auteur et celui de ses personnages. Ça ne vaut pas la moyenne !

- Pour qui tu m'prends ? Je le savais très bien : c'était juste pour entretenir la discussion et voir ce que tu dirais.

- Oui, oui, c'est trop facile. Même quand on fait de l'humour, on se trahit.

- On ne peut plus rien dire...


Comments


bottom of page