Un coq pour Asclépios !

En sortant du stade vélodrome une dose de vaccin anti-covid dans le bras, dring-dring :
- Allo, c'est Jean-Pierre.
Il est têtu ce Jean-Pierre ! D'abord, il veut pas se faire vacciner, je sais pas pourquoi. Alors, je lui ai dit :
- C'est pour me dire ça que tu m'appelles ?
- Non, c'est pas pour ça, c'est à cause de ton message où tu dis que tu es de plus en plus hérétique.
- Ben quoi, j'ai pas raison ? Y a pas que Jésus qui est un bouc émissaire innocent quand même ! Antigone, c'est pas un bouc émissaire innocent peut-être ? Iphigénie, c'est pas un bouc émissaire innocent ? Socrate, c'est pas un bouc émissaire innocent ? René Girard s'en tire en disant qu'Homère, Sophocle, Socrate sont pré-chrétiens, mais ce serait pas plutôt Jésus qui serait post-hellénique ?
- Oui, mais c'est pas pareil. René Girard dit qu'il y a une différence parce que Jésus est le seul à donner la clé du royaume.
- Socrate parle tout le temps de la justice, de la justice et de la justice. C'est pas un royaume, ça aussi, le royaume de la justice ?
Alors là, il a pas su quoi répondre ! Il a dit qu'il fallait qu'il réfléchisse. Alors, je lui ai dit que j'allais lui envoyer un petit résumé de la fin du Phédon. Le voici :
[Socrate exaspérait depuis longtemps les démagogues par sa façon de mettre la justice au dessus du vote majoritaire. Sa République idéale était en réalité une aristocratie mettant le jugement des sages au dessus des passions de la foule. C’est la même chose en matière religieuse où Socrate demandait qu’une mythologie épurée soit enseignée à la jeunesse, donnant en exemple les vertus des dieux plutôt que leurs vices, en appelant même à la voix de la conscience.]
L’exécution étant soumise au retour du navire de Délos qui se fit attendre vingt jours, les disciples de Socrate purent lui rendre visite chaque matin dans sa prison. Les Onze venant de le détacher de ses chaînes, Socrate prit un bain et ses disciples lui demandèrent ce qu’ils pourraient faire pour ses enfants ou pour autre chose. Socrate leur recommanda de faire exactement ce qu’il ne cesse de dire dans ses entretiens, et rien de plus nouveau, parer leur âme de tempérance, de justice, de courage, de liberté et de vérité. "En ayant ainsi souci de vous-mêmes, vous ferez par amour tout ce qu’il vous arrivera de faire, quand bien même à présent, vous ne vous y seriez pas engagés. » Quand Socrate eut bu la coupe, Phédon, Criton et Apollodore éclatèrent en sanglot à l’idée d’être privés de la familiarité d’un pareil homme. L’homme qui lui avait apporté la coupe se mit aussi à pleurer, mais Socrate les pria de se contenir. Ayant bu, il se mit à circuler jusqu’à ce qu’il sente la pesanteur venir dans ses jambes, puis s’étendit. Ses pieds, ses jambes, son bas-ventre se refroidirent. Il demanda ensuite à Criton d’acquitter sa dette envers Asclépios en sacrifiant un coq. Criton promit et demanda s’il y avait autre chose. À cette question Socrate ne répondit rien, il eut un mouvement convulsif et Criton lui ferma la bouche et les yeux.
Telle fut, Échécrate, la fin que nous avons vu faire à l’homme dont nous pouvons bien dire qu’entre tous ceux de son temps qu’il nous fut donné de connaître il fut le meilleur, et en outre le plus sage et le plus juste.
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