Quelle métaphysique pour les Francs-Maçons de Toulouse ?

Les Francs-Maçons de Toulouse ont lu les Esprits fraternels et m'ont invité à faire une conférence samedi pour leur en parler. Michèle a lu mon petit discours et a trouvé très bien la partie sur la métaphysique. J'ai pensé vous en faire part, mon cher lecteur.trice :
Péguy disait qu’on lui avait enseigné deux métaphysiques opposées, la métaphysique catholique au catéchisme et la métaphysique républicaine à l’école, tandis que le monde moderne n’enseignait aucune métaphysique. N’entendons pas le mot métaphysique dans son sens étymologique, le paradis et l'enfer, c'est fini, mais comme orientation de la destinée humaine, comme prise en compte de la plus incontestable et de la plus universelle des réalités, le Temps et la succession des générations, seule façon de maîtriser l’absurdité d’une mort qui viendrait clore une existence conçue comme une séquence isolée.
Cinquante années plus tôt, Pierre Leroux avait le même souci que Péguy : « Croyez‑vous que l’homme, demandait-il, après s’être toujours fait une solution du problème humain et divin, soit arrivé, de progrès en progrès, à une époque où il passera sur la terre, comme l’animal, sans conscience et sans souci de la destinée générale ? Et regardez‑vous comme le dernier terme des lumières et de la raison de réduire trente‑deux millions d’hommes à une existence purement phénoménale ? » Que dirions-nous aujourd’hui où 70 millions de consommateurs, comblés ou frustrés selon, semblent satisfaire à la définition de la société moderne anticipée par Tocqueville en 1840 : « Non seulement la démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux, mais elle lui cache ses descendants et le sépare de ses contemporains ; elle le ramène sans cesse vers lui seul et menace de le renfermer enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur. »
Le socialisme selon Leroux et Péguy, c’était non seulement la solidarité des hommes et la destruction des barrières de classe, de race et de sexe, c’était encore la solidarité des générations présentes avec les générations passées et à venir. Cette vue qui paraitra tout à fait fantastique aux modernes n’est que le prolongement de ce qui fut la trame de l’humanité depuis le commencement du monde, le souci de la filiation, honorer ses ascendants, manifester de la gratitude pour ce qu’ils nous ont légué, se montrer digne d’eux, leur assurer une descendance et transmettre à celle-ci un patrimoine augmenté. La métaphysique est, en ce sens, un dépassement de l’immédiat grâce à un équilibrage du présent par le passé et l’avenir.
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