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Quelle est votre couleur préférée ?


Moi, sans hésiter, c’est le brun-beige avec toutes ses nuances. Avant, j’aurais dit le gris du béton. Je le supporte de moins en moins. Le beige-brun, c’est la couleur de la terre et la couleur du bois, ce qui n’est guère différent. Hier, j’ai planté une douzaine de cyprès, pas pour faire une haie, mais plutôt une ponctuation à l’ouest de notre terrain, un peu comme en Toscane où on les écarte comme des dents de peigne en dégarnissant la base pour leur donner l’aspect d’un pinceau. Laurent faisait les trous avec son tracto-pelle, moi, je plantais et il rebouchait au fur et à mesure. Il me restait à faire le pneu à la pelle et au râteau, une jolie rigole circulaire pour arroser et à enfoncer à la masse un robuste tuteur, rapport au mistral. J’ai amené en voiture les bidons de 20 litres qui me servent pour l’huile d’olive. Un par arbre.

La terre était souple et grasse après les orages. Quelle expérience troublante ! Une expérience de l’intimité qui est à la portée de tous, mais finalement, je ne dirai pas méprisée mais objet de l’’indifférence générale, surtout de la part des citadins bitumisés. Même quand on se promène dans la campagne, on ne voit que l’écorce de la terre, durcie, piétinée, couverte de végétation. Je ne parle même pas du bas-côté des routes complètement pollué. Je veux parler de la terre ouverte, violée, si vous voulez par une lame. Il y a des langues où le même mot désigne le soc et le phallus de même que le mot matière renvoie à la maternité. Mais qui, de nos jours, s’intéresse encore à la terre, je veux dire à la terre-matière ? On dit que c’est sale. Tape bien tes pieds entrant dans la maison ! Les enfants ont mis de la terre sur le canapé, les sauvages !

Je ne dis pas que j’en mangerais, mais, c’est bien elle qui nous nourrit. Entre la terre et nous, il y a le plastique, qui seul est éternel parce qu’il est mort dès sa naissance alors que les fruits de la terre sont périssables mais ils donnent la vie. La terre est coprophage, horreur ! Oui, mais elle recycle nos déchets (sauf le plastique) et s’en nourrit. Hugo a fait ricaner les beaux esprits en faisant rimer nourriture et pourriture. Je m’en voudrais de jeter le moindre trognon de choux à la poubelle. Nous rendons à la grande nature tout ce qu’ensemble elle avait joint, comme dit Baudelaire.

Je ne connais pas l’Afrique, en dehors d’une escapade au Sénégal, mais si l’art africain est si magnifique c’est qu’il a la couleur de la terre. Une terre sans doute plus noire que la pâle terre de l’Europe et qui donne sa couleur sombre au bois de ses arbres et à la peau superbe de ceux qui la foulent.

Voilà pourquoi mes vêtements, nos meubles, textiles, enduits muraux, etc., s’éloignent rarement du beige et du brun. Couleurs organiques, vivantes et chaudes.


Photo : notre dernière cueillette de figues.

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