Quelle est notre filiation ?

Dans mon précédent billet, j’ai pris la défense de la fraternité républicaine en disant deux choses : cette fraternité est l’héritage de trois siècles d’histoire : les Lumières, la Révolution et cinq républiques. Mais, comme chacun sait, il n’existe pas de fraternité ni de sororité, sans paternité et maternité, c’est-à-dire de filiation.
Mais nous, quelle est notre filiation ? Elle est double.
D’abord, elle est génétique. Par exemple moi, j’ai des chromosomes vosgiens, germaniques peut-être. Michèle était métissée catalane/napolitaine. Nos petits-enfants sont encore plus métissés. J’écris justement d’Espagne où je suis allé rejoindre une partie de ma famille colombienne : on a été reçus comme des rois, on s’est retrouvés, embrassés, avons beaucoup trinqué et partagé de paellas et de tapas dans de longues tablées d’oncles, de tantes et de cousins. Mes petits-enfants ont beaucoup de chromosomes bi-tri-quadri-nationaux !
Mais il existe une deuxième filiation, je vais dire symbolique, faute de mieux, celle que j’ai rappelée en premier : les Lumières, Rousseau, la Révolution, la République. Qu’est-ce qu’elle dit, cette filiation-là ? Est-ce qu’elle contredit la précédente sous prétexte que notre histoire n’est pas celle des autres, que c’est la nôtre, notre histoire rien qu'à nous. C’est tout le contraire ! Elle est universaliste, Kant la disait cosmopolitique. La République a émancipé tous les exclus : les prolétaires, les protestants, les juifs, les esclaves, les comédiens. Thomas Paine, cet anglo-américain, fut membre de l’Assemblé nationale en 1792. Trois siècles, on peut bien appeler ça une tradition, mais une tradition révolutionnaire. Loin de se contredire, ces deux filiations se complètent et s’enrichissent. C’est la carte de visite française.
C’est drôle comme l’adjectif français qu’on avait un peu honte de prononcer il y a encore quelques jours car ça faisait carrément facho revient tout à coup sur la langue des déconstructeurs les plus acharnés. Tant mieux si on se souvient tout à coup de ce qui fit le prestige immense de la France pendant trois siècles, car ce n'est pas un prestige cis et chauvin, c'est un prestige trans.
À dimanche !
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