Quel étrange animal que le couple !

Les androgynes n’existent plus depuis longtemps, les siamois sont une erreur de la nature mais le couple, lui, existe bien. On en rencontre tous les jours (bien qu’ils se raréfient par les temps qui courent) et moi-même qui écris…

Dans les Lettres d’un jeune homme (Amazon, 4 euros), Jacques ose écrire à sa confidente :

Chaque fiancé est un maquignon qui camoufle les tares du cheval à vendre, l’époux qu’il sera ; chaque fiancé est un acheteur qui stipule que le contrat de vente sera valable sans contestation quelque rossard que l’animal se révèle à l’usage.

Le temps de la séduction passé, la vérité finit par prendre le dessus et ça passe ou ça craque. Pour que ça passe, il faut quantité d’ajustements car chacun a son style de vie et la vie commune impose des concessions mutuelles. Le menu, le tempo, les goûts, l’optimisme, la superstition, l’humour, la générosité surtout. Bien sûr, chacun gardera une réserve personnelle. Il y a des hommes qui feuillettent des journaux de déco pendant que leur femme lit des bouquins de sociologie. Je trouve aussi que la spécialisation des tâches, si critiquée par la théorie du genre, n’était pas sans beauté, sans parler de son efficacité. Chez nous, un couple à l’ancienne, c’est la femme s’occupe des repas et des commissions où elle excelle. Moi, je fais l’administratif, la voiture, les poubelles, la maçonnerie, la peinture, l’agriculture. Je débouche les canalisations et même, une fois, après un méchoui dans les Ardennes, c’est moi qui suis allé enterrer au fond du jardin le seau contenant les entrailles du mouton.

Pour que ça marche, il faut qu’il y ait plus d’additions que de soustractions, et aussi plus de multiplications que de divisions. Imaginez par exemple un couple formé d’une femme apollinienne et d’un homme dionysiaque. L’apollinienne n’aimera pas le romantisme, les mots qui dépassent les gestes, le théâtre, la caricature. Ses choix seront très mesurés, réfléchis, éloignés de tout entraînement. Son partenaire, comme on dit, mettra un grain de folie dans leur vie. Il professera qu’il n’y a pas d’art de la conversation sans exagération, il pratiquera aussi l’allusion et le second degré au risque de faire sortir sa partenaire de ses gonds. Et alors, gare au grain…

C’est une affaire de mesure… apollinienne.