Petite physiologie de la caresse
Hier, les enseignants faisaient grève contre le Covid et Michèle était allée à Noailles faire le marché pour toute la famille. Elle a attendu le bus 35 minutes avec 25 kg de fruits et légumes dans le caddie avant de comprendre qu’une manif bloquait tout. Le panneau électronique de la Régie des Transports Marseillais devait être en grève lui aussi : aucune info. J’ai donc eu le plaisir d’aggraver mon bilan carbone en allant la récupérer en voiture en pleine ville.
Ça ne m’a pas empêché de réfléchir un petit coup sur la caresse, je veux dire sur la caresse érotique et au mystère de l’union de l’âme et du corps qui s’y joue.
Remarquons d’abord que les caresses, ça se donne et ça se reçoit. On est donc typiquement dans un cas du donner/recevoir/rendre ignoré de l’Essai sur le don de Marcel Mauss (1924).
Parlons d’abord physiologie pure. La main qui donne connaît et possède / l’épiderme qui reçoit éprouve. La main est intelligente mais ne comporte pas de corpuscules de Krause (quoique…) à la différence des zones érogènes du corps qui éprouvent sans connaître. La dissymétrie est évidente. Mais, en général, les caresses s’échangent. La main prend et donne du plaisir. La chair qui reçoit se donne et éprouve. Un jeu riche et complexe qui ne se résume pas au contact de deux épidermes.
La reconnaissance aussi fait partie du jeu puisque la main qui prend est en principe agréée. Cette reconnaissance fait justement défaut dans la fameuse main-aux-fesses. Classiquement, c’est la femme qui consent, je parle en régime hétérosexuel, mais cela est, bien sûr, en pleine évolution. L’homme est donc flatté d’être reconnu digne d’une telle intimité, reconnaissance qu’il ne demande bien sûr qu’à une femme désirable à ses yeux, qu’à la femme la plus désirable entre toutes les femmes, au moins en un lieu et un instant déterminés, ce qui le cote. Et qui le cote d’autant plus que c’est l’être total qui est agréé dans ses attributs moraux autant que physiques, les deux étant indissociables.
Bien sûr, la femme qui consent et qui se donne éprouve, elle aussi, la petite ou même la grande ou même la très grande explosion d’amour-propre qu’entraîne le fait d’avoir été élue, choisie, désirée dans sa personne totale, elle aussi. Conclusion, la caresse est un acte social total, qui mobilise l’entièreté de la personnalité car les frémissements de l’amour-propre s’y tressent avec les frémissements de la chair.
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