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Oui, la passion peut durer toute la vie


Hier matin, on m’a remis l’urne au crématorium. Une fois au volant, je l’ai placée sur le siège qu’elle occupait d’ordinaire. Pas besoin de mettre la ceinture de sécurité…

Et nous avons pris pour la dernière fois la route que nous avons parcourue mille fois. Passé Cadenet, comme à l'accoutumé, le Luberon s’est brusquement dressé face à nous. Nous avons traversé le fourreau de chênes verts qui débouche sur les derniers lacets de la carrière. Nous avons dépassé la Boulière. J’ai mis le clignotant, monté le petit raidillon et stoppé le moteur.


Dans la lumière du soir, quand les ombres s’allongent, entouré de ma merveilleuse famille, j’ai dispersé les cendres parmi ces oliviers dont elle s’est tellement occupée. Elle a pris place dans le grand cycle de la nature.


Je viens de retomber sur une photo prise en mai 2019 sur la corniche de Marseille : Vue de dos, Michèle regarde la mer. En contrebas, Le Petit Pavillon, ces bains de mer où nous nous retrouvions, l’été 67. Je garais ma mobylette et attendais son apparition dans la robe rose qui m’avait déjà ensorcelé sur les marches du préfabriqué du lycée Thiers en juin, dans la saison heureuse où les filles dénudent leurs épaules. J’admirais sa carnation et le balancement de son corps dans cette robe. Sur la photo, on voit la lice bleue de la barrière qui, tant d’années avant, s’alliait déjà avec le rose de sa robe. Cette fois, elle porte une jupe bleue marine et une petite marinière blanche. Son regard est tourné vers la digue où nous allions à la nage passer une heure. Mon enchantement était mêlé d’incrédulité et d’inquiétude. Quel serait l’avenir de ce bonheur ? Je me disais que je voudrais toujours vivre à ses côtés même si... Tous mes vœux ont été exaucés.

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