Nous sommes tous des jardiniers
Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ! D’ailleurs, c’est une idée que personne n’a jamais eue sauf Robert Harrison à qui je la dois. Voilà :
Adam et Ève, comme chacun sait, ont été chassés du paradis parce qu’ils ont goûté la grenade. Eh bien, Homère raconte la même histoire en sens inverse avec Ulysse chez Calypso. Calypso occupe la place de Dieu puisqu’elle a offert à Ulysse l’immortalité dans un jardin de délices où il n’a qu’à faire l’amour sans travailler. Que fait Ulysse ? Il n’est pas de marbre, bien sûr, et il passe des années dans les bras de Calypso qui tient tous les rôles à la fois, mais, finalement, il préfère rentrer chez lui cultiver son propre jardin à la sueur de son front auprès de Pénélope, quitte à redevenir mortel.
Moïse et Homère racontent la même histoire, à cette nuance près que, dans la Bible, la sortie du paradis est subie alors que, chez Homère, elle est voulue, ce qui est beaucoup plus beau.
Dans le paradis, Ulysse aussi bien qu'Adam n’étaient que des consommateurs, comme sont les enfants. Dans la vraie vie, ils deviennent des créateurs, des jardiniers responsables qui se préoccupent de la terre, la tournent et la retournent. Là où Robert Harrison est très fort, c’est un philosophe américain, c’est quand il dit que les modernes avec leur consommation effrénée, se comportent comme des gosses dans les supermarchés. Ils veulent retourner dans l’Eden, méprisent le cycle du carbone, souillent la terre avec le plastique dont ils se saisissent à chaque instant de façon convulsive. Non, le bonheur de l’homme n’est pas dans l’Eden, c’est-à-dire dans la consommation à gogo. Elle consiste à prendre soin (cura).
Photo : Arnold Böcklin - Ulysse et Calypso (1883).
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