Moi, je suis comme le général Koutouzov !
- J'ai dit à Sabine : "Si tu veux, jeudi, on pourrait aller à IKEA acheter un lit pour Faustine." Ça fait un mois qu'on en parle, mais Sabine, elle est toujours sur son vélo à sillonner la ville et elle n'a jamais cinq minutes. Elle est comme ça. Alors, j'ai essayé de la coincer pour jeudi parce que moi, je serai à la porte de chez nous à cause du shooting d'Aglaia, vous connaissez ? Les bijoux solidaires Aglaia ! Seulement le problème, c'est qu'IKEA ça n'ouvre qu'à 10 heures et que Sabine a rendez-vous avec le plombier à 9 heures parce qu'il y a eu un dégâts des eaux chez elle dans la salle de bain, enfin, c'est plutôt chez le voisin d'au-dessus, elle, c'est le plafond qui est abîmé. Je lui ai dit que c'était pas à elle de s'en occuper. Seulement, elle en profitera pour montrer le chauffage central au plombier : il n'y a plus que la moitié de l'appartement qui est chauffé. Sabine, ça la dérange pas, vu qu'elle se baigne tous les jours même l'hiver et qu'ensuite, le vélo la réchauffe, mais tout le monde se gèle, chez elle. Bref, on ne sait pas très bien comment on peut faire jeudi parce que l'après midi, elle a un rendez-vous rue Caisserie pour la livraison de son chantier du bar à vin auquel on a livré les casiers à bouteilles qu'on avait achetés au puces samedi.
Ça vous intéresse, au moins, mon lecteur ? Si je vous raconte tout ça, c'est parce qu'on sait pas très bien à quelle heure on pourra aller à IKEA. D'ailleurs, moi-même, je n'ai pas que ça à faire. Il faut que j'aille à Emmaüs débarrasser tous les objets qui encombrent mon bureau et qu'Emmaüs, ça n'est ouvert que le mardi et le jeudi, en tout cas pour la collecte. Mais cet après midi, j'ai d'autres chat à fouetter, un conférence zoom avec mes amis d'Old Up sur le Chant XXIV de l'Iliade. On a dit 17 heures, précises évidemment, et il faut que je sois rentré. En plus, Michèle dit qu'elle n'a encore trouvé aucun cadeau pour Noël. Faustine a demandé un pyjama, pour étrenner son nouveau lit, je suppose, mais en ligne, il n'y a rien de bien.
- le général allemand Pfuhl : Y a pas de souci : je vais vous faire un plan de bataille millimétré en 7 étapes et en moins d'un jour, tout sera réglé.
- Vous vous demandez d'où il sort ce Pfuhl (Quel nom !), mon étourdi lecteur ? C'est que vous avez oublié votre Guerre et Paix. De ce général irritable et sarcastique, Tolstoï dit qu'il a "l'assurance inébranlable et odieuse de l'Allemand qui croit qu'il connaît la vérité, une science qu'il croit suprême parce qu'il l'a inventée lui-même."
Pendant le conseil de guerre à la veille de la bataille de Borodino que les Français appellent la Moscowa, le général en chef Koutouzov semblait dormir à moitié. Il est vrai qu'il ne lui restait plus qu'un œil. Comme sur le champ de bataille, d'ailleurs, où il ressemblait à un vieux crapaud avachi sur son cheval. En réalité, il captait tout et mémorisait tout mais se gardait bien d'ordonner quoi que ce soit, laissant juste faire l'utile, empêchant le nuisible. Comment croire maîtriser une mêlée de 300 000 hommes ! Le cours des événements est imprévisible. D'ailleurs, chacun dira finalement qu'il a gagné la bataille (70 000 morts)...
Moi, je suis comme le général Koutouzov ! Il ne faut pas me demander de passer un quart d'heure au téléphone à tout organiser trois jours à l'avance. Ça dépendra de la météo, des embouteillages, de la pandémie de Covid, du plombier qui s'est trompé de jour, de la grève à la cantine et il faut aller chercher Antonia à l'école, de quoi encore ? Je ne veux pas le savoir.
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