Moi, ça me ferait drôle...
Je ne lui ai rien trouvé de spécialement intéressant, à première vue, à cette madone enceinte peinte par Piero della Francesca en 1459. Le petit livre de Piero Calamandrei que m’a offert Claude m’a complètement fait changer d’avis. C’est sa mère que Piero a pris pour modèle, en robe de paysanne. Elle porte la main droite sur son ventre arrondi. Son visage est grave, les yeux un peu baissés, soumis diront les maniaques de la domination. Elle ne pose pas, elle semble même un peu absente, visiblement absorbée par la vie qu’elle ressent dans son sein comme on dit. Elle a dû dégrafer un peu sa robe sur son jupon.
On dit qu’elle est enceinte. L’expression a beau dater du XIII° siècle, elle me paraît particulièrement mal choisie. Si une telle femme grossit ce n’est pas à partir de sa périphérie, comme si elle était obèse, mais sous la poussée de la vie, à partir du noyau de sa personne. Le mot italien parto est plus juste, du latin parturire = accoucher.
Quels peuvent bien être les sentiments d’une femme qui se sent habitée par une nouvelle vie qui la modifie. Rien à voir avec un homme qui marche en sifflotant, mains dans les poches. Elle est traversée par la vie universelle.
Un homme est passé par là, si vite peut-être. La voilà aliénée, retenue pour presque une année et en fait pour toute la vie, investie d’une charge et d’une responsabilité qu’elle a à peine choisie et qui modifiera définitivement son existence. La voilà dépendante d’un autre, parce qu’un autre dépend d’elle.
Moi, il me semble que ça me ferait drôle. Je n’sais pas si ça me plairait de me sentir plombé comme ça. Je sais que les femmes disent que c’est un merveilleux moment et que c’est une expérience formidable de donner la vie.
Vous me direz que je ne peux pas comprendre puisque je suis un homme et que ce n’est pas du tout la même mentalité d’un sexe à l’autre.
Pardi ! En fait, j’ai voulu tendre un piège aux wokistes les plus endiablé(e)s (attention, personnellement, je suis woke, enfin, j’essaie de rester éveillé !). Je voulais justement insister sur le fait que la maternité est un fait incontournable, sans lequel on ne serait pas là en train de deviser, qui constitue, par nature donc, une différence qualitative incontournable, essentielle, non négociable, entre la conscience masculine et féminine. Il faudrait être complètement ensuqué pour l’oublier.
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