Le silence de ces espaces infinis m'effraie
On revient de deux charmantes journées avec Annick chez Solange à Saint-Mandrier. La météo était moyenne mais la nourriture était très bonne et l'amitié excellente. Nos conversations animées m'ont inspiré ces quelques lignes :
Comment les enfants de 1789 et de 1848 ne seraient-ils pas woke ? Ces révolutions ont émancipé les juifs, les protestants, les comédiens, les esclaves, ces persécutés, et ont tenté de libérer les prolétaires. Elles ont oublié les femmes, les homosexuels, les trans- et les bisexuels, la majorité en somme. Commencée en mai 68, cette œuvre sera celle du XXI° siècle. Comment ne pas l’approuver et ne pas l’accompagner ?
Mais comment aussi ne pas être troublé ou même effrayé, comme disait Pascal, devant les infinis qui s’ouvrent devant nous ? Le monde s’uniformise et perd chaque jour de sa granulation. Comme les peuples, les sexes se ressemblent de plus en plus. Un vague repli les distingue encore.
Tocqueville, il y a deux siècles, disait ne pas pouvoir se départir d’une sorte de terreur religieuse en observant depuis l’Amérique le spectacle inédit de l’égalisation des conditions, qu’il approuvait pourtant. Il pressentait que, si les démocraties n’y prenaient garde, l’égalité aurait pour revers l’individualisme, c’est-à-dire la libération des rivalités. Ce sont aujourd’hui les structures élémentaires de la parenté, l’alliance et la filiation, qui sont en train de fondre comme la banquise. Les enfants sont désormais minoritaires qui sont élevés par un père et une mère.
Ces structures sont rejetées parce qu’elles étaient patriarcales. Comment ne pas faire droit au divorce, au concubinage, à l’amour libre, au poly-amour, à l’homosexualité, à la trans-sexualité ? Mais comment regarder d’un œil impavide un éboulis qui se met en mouvement sans que nul puisse prédire ce que sera le ground zero ? Structurée par le patriarcat, la famille traditionnelle a au moins dix mille ans d’âge. Elle est le squelette qui a permis à l’humanité de traverser tant de siècles et qui nous a fait ce que nous sommes. Une mutation anthropologique la rend désormais insupportable. Pourquoi cette mutation se produit-elle à la charnière du nouveau millénaire, en phase avec la mondialisation ? Le phénomène ne fait que débuter ; nul ne sait où il mènera ni dans quel état se retrouvera une humanité dépourvue de sa colonne vertébrale ancestrale. Un mollusque ? Le phénomène est sans exemple depuis la révolution néolithique et il passe sous les radars des sociologues car, pour évaluer vers quelle humanité nous marchons, il faudrait dissimuler des micros et des caméras dans la cour des écoles primaires et pouvoir faire des projections à dix ans, vingt ans, cinquante ans, un siècle...
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