Le droit au rideau
L'autre jour, Faustine a voulu prendre sa douche au cabanon, mais, au cabanon, on n’est protégé des voyeurs que par un rideau. Elle a donc fermé au verrou le volet de la fenêtre et celui de la porte, et elle a demandé à sa petite sœur de monter la garde. C’est exactement ce que dit Milan Kundera dans un petit essai intitulé Le rideau. Kundera fait du rideau le propre de la démocratie. On a mangé le petit-déjeuner du héros de Kafka et on a retiré les rideaux de sa chambre. Il est notable que Kafka, le prophète du totalitarisme, ait écrit dans les années 20, avant que son pays soit envahi par Staline. Lui, Franz, il n’avait que des raisons familiales et psychologiques de se plaindre. Mais ça fait le pont parce que le totalitarisme, c’est finalement l’abolition du public et du privé, l’obligation de se confesser devant tout le monde, de faire son autocritique publique et, à force, de se culpabiliser pour des crimes imaginaires.
Le passage à l'adolescence, dit Kundera, c’est quand on a besoin d’un tiroir fermé à clé pour sauver ses petits secrets. Kundera s’indigne que Max Brod ait violé l’ordre de Franz de détruire son Journal et sa correspondance. À sa mort, Brod a tout publié et le monde entier peut lire la Lettre au père sauf son destinataire à qui elle ne fut jamais envoyée.
Flaubert et Baudelaire auraient été aussi furax que les momies qu’on a dépouillées de leurs bandelettes pour que chacun vienne les mater dans les musées, s’ils avaient su qu’on allait publier leur correspondance. Quels trésors pourtant que ces lettres et qui complètent magnifiquement les œuvres publiées de leur vivant car elles révèlent la face cachée de l’artiste !
Photo : volée hier à Mahon (Minorque)
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