Le bon Samaritain et les talibans
Hier matin, en allant à la campagne, je mets la radio et je tombe sur une rediffusion de l’émission de Finkielkraut consacrée à la parabole du Bon Samaritain. L’année dernière, la pape François avait consacré l’encyclique Fratelli tutti à cette parabole pour rappeler le devoir de fraternité de tout chrétien envers les réfugiés. Ça tombe bien, je me suis dit, au moment où nos amis les talibans reposent le problème des réfugiés.
Je rappelle aux ignorants qui ne jurent que par la source gréco-romaine de notre culture, que quand Jésus a dit que le premier de tous les commandements était d’aimer son prochain, un Docteur de la loi lui a demandé de préciser qui est le prochain. Le bon Samaritain est une sorte de Syrien, ou d’Afghan, si vous voulez, qui se porte au secours d’un des nôtres, un automobiliste à moitié mort qui a été attaqué par des brigands tandis que les honnêtes gens passent leur chemin. La leçon, est claire : le prochain, c’est n’importe quel être humain qui a besoin d’aide, à quelque peuple qu’il appartienne. Et pour que la leçon soit plus claire, Jésus a imaginé que ce soit un étranger qui porte secours à un des nôtresLà, Pierre Manent qui participait à la discussion s’est mis à parler théologie, c’est-à-dire à jouer les Docteurs de la foi, ou de la loi, et s’est mis en colère contre le pape qu’il a traité d’anarchiste, d’universaliste, d’irresponsable ne prenant pas en compte les réalités nationales.
Eh bien moi, je trouve qu’ils ont raison tous les deux. Marx, Lénine et Staline ont terriblement méprisé et piétiné les réalités nationales dont les réalités religieuses et familiales font partie : les prolétaires n’ont pas de patrie, la religion est l’opium du peuple. Il en a résulté des persécutions sans fin et le projet d’un homme "nouveau" qui a conduit au fiasco qu’on sait. On ne va pas recommencer quand même ! Pierre Manent a bien raison. Mais le pape a tellement raison aussi : le droit de la mer oblige tout capitaine à porter secours à celui qui se noie. Et aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui se noient au propre et au figuré.
Conclusion : le principe d’universalité et le principe national sont aussi précieux l’un que l’autre. Tout le problème est de les arranger ensemble. La vérité n’a pas la forme d’un cercle, une perfection qui n’appartient qu’à Dieu, mais d’une ellipse à deux foyers. Moi et les autres : on en revient toujours là. C’est pas pour rien qu’on a deux yeux.
Photo : Le bon Samaritain par Aime Morot.
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