La jeunesse de l’abbé Pierre
Le futur abbé Pierre en 1937 au 3° rang, 3° en partant de la gauche.
J'en vois un qui sourit.
C’est un peu terrible, mais moi, souvent, quand il y a des procès où on juge des criminels, des chauffards, des violeurs qui ont provoqué des dégâts catastrophiques, ma pitié va beaucoup aux accusés. Les pauvres !
Nous, on a la chance de mener une existence petite-bourgeoise de Français moyens, fonctionnaires, deux enfants, une petite voiture, les vacances tantôt à la mer tantôt à la montagne, un animal de compagnie, hésitant entre le Boursin et le Camembert. Mais choisit-on la case dans laquelle on est tombé ? Je suis en effet fort déterministe et n’oublie pas ce mot d’Albert Cohen entendu il y a longtemps dans l’émission de Jacques Chancel, Radioscopie : « L’homme, cet innocent résultat ».
Une journaliste du Monde a pu consulter les archives du futur abbé Pierre dans son couvent des Capucins, bien avant qu’il ne devienne héros de la France-libre et fondateur d’Emmaüs. Disciples de Saint François, ces Capucins observaient la plus austère des pauvretés et une discipline de fer. Barbe, pieds nus dans des sandales de cuir et, sur la robe de bure, corde à 3 nœuds pour dire pauvreté, chasteté et obéissance. Issu d'une famille où l'on faisait chaque soir de longues prières à genoux, ce jeune homme voulut être un saint.
Ordonné à 19 ans, il eut besoin de mettre par écrit ses émotions, surtout ses horribles angoisses.
Voulut se châtrer avec un couteau à 5 ans, hanté par « cette chose louche ». Fut agressé sexuellement à 7 ans. Habité par des pulsions irrépressibles, il se confesse 4 fois par semaine. Folle passion pour un jeune soprano à 14 ans puis pour un jeune condisciple. Dors sur une planche, une chaîne de fil de fer barbelé autour des reins. Deux heures de prière à minuit. Se donne la discipline trois fois par semaine sur le dos, les cuisses et les mollets. « C’était une cocotte-minute prête à exploser », confie un frère capucin.
À qui la faute, si la cocotte a explosé ?
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