La galanterie française
Je supporte mal de voir deux garçons s’asseoir à table côte à côte et insiste systématiquement pour qu’on alterne les sexes plutôt que de masser une grappe de garçons à une extrémité de la table, parlant foot et moteurs, et une grappe de filles à l’autre, causant chiffons et diététique. La mixité est typique de la sociabilité à la française depuis l’Ancien Régime. Il me plaît de rappeler cela quand on ne parle plus que de patriarcat (et d’élections législatives).
Un film algérien m’a marqué où on voit un mari arracher les boucles d’oreilles que sa femme a reçues en dot, et la répudier parce qu’elle vient encore d’accoucher d’une fille.
Tout a commencé dans l’hôtel de Madame de Rambouillet, là où il y a maintenant la pyramide de Pei. Au sortir des guerres de religion, la marquise opéra une rupture au sein de la classe dirigeante et imposa tout en douceur à certaines élites aristocratiques des normes de goût, de langage et de mœurs complètement nouvelles. Aidées par les gens de lettres, les femmes réussirent à domestiquer des fortes natures un peu rustres après 40 ans de guerre civile.
Cela diffusa à la cour de de Louis XIV sous le nom de galanterie, définissable comme une érotisation permanente mais retenue de la vie mondaine. Humilier une femme est une inconvenance majeure. Le Français a longtemps eu la réputation d’être vaillant, gai et galant. Après une rupture, un galant homme renvoyait ses lettres à sa maîtresse pour lui éviter la crainte du chantage.
C’est un lieu commun au XVII° et au XVIII° siècles d’opposer à la France galante l’Espagne jalouse et l’Angleterre indifférente, où les sexes vivent séparés, ici en raison d’un excès de passion, là par un défaut. Au XVII° siècle, la liberté dont jouissent les Françaises étonne les voyageurs alors qu’au Sud, les beautés se morfondent derrière des grilles dans l’attente de leur seigneur et maître.
L’art de vivre élaboré à la cour diffusa dans la société par un phénomène de capillarité dont la bourgeoisie fut l’agent, elle qui n’avait de cesse de singer les mœurs de la noblesse.
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