La colonisation, une histoire française
Il faut impérativement regarder en replay sur la 3 le documentaire qui porte ce titre. C’est une merveille qui vous fait voyager aux quatre coins du monde, en tout cas Indochine, Maghreb, Afrique noire et Liban-Syrie, exotisme et pittoresque assurés, des années 1880 à 1945 grâce à des films d’époque incroyables, comme si vous viviez au temps des colonies, avec un parfum de province française, les rues bien entretenues, la Poste, l’école, l’église, tous les bâtiments de l’administration et des populations jaunes, noires, arabes en costume local comme sur les affiches des expositions coloniales, surtout la dernière à Vincennes en 1931, « grande fête de la fraternité », avec 300. 000 indigènes qui ont fait le déplacement et des reconstitutions du temple d’Angkor ou des architectures de Tombouctou en un Disney Land géant.
Tout ça s’est écroulé comme un château de sable après la guerre. Le documentaire parle d’une affaire française. C’est trop peu dire. Non seulement les pays européens ont à peu près tous fait pareil, mais surtout, le rapport de l’homme blanc avec le reste du monde en reste marqué pour toujours. Si je dis pour toujours, c’est parce qu’au-delà du traumatisme de la colonisation elle-même, c’est la modernisation du reste du monde qui a été imposée par la violence à partir de l’Europe. C’est un formidable paradoxe ! D’un côté, le monde entier a rejeté le colonialisme, mais d’un autre côté, tous les pays rivalisent pour copier le modèle occidental issu de la mathématique grecque : machines, vaccins, climatisation, eau chaude, marxisme, moteurs, électricité, costume cravate, table et chaises, obésité, plastique, internet, bombe atomique, avions, péril écologique. Même la démocratie veut être imitée artificiellement, mais ça ne marche jamais… Mauvaise greffe.
L’histoire de la conquête est atterrante : massacres, massacres, massacres, mépris, racisme, cruautés sans nom. Les résistances et les révoltes ont été matées à coups de fusil et à coups de canons comme celle d’Abdelkader en Algérie et d’Abdelkrim au Maroc, comme le roi Béhanzin et ses mille amazones au Dahomey et le roi Samory Touré en Guinée. Vous saviez, vous, que c’est le maréchal Pétain qui a maté la révolte du Rif avec 300. 000 soldats, et le futur général Gamelin, le vaincu de juin 40, qui a maté celle des Druzes à Damas ? La république se flattait de civiliser les peuples mis en esclavage par la monarchie. La vérité est qu’elle a rétabli l’esclavage dans les plantations d’hévéa d’Indochine et du Congo, pour construire routes, ponts et voies ferrées un peu partout, etc. Les protestations de Jaurès, de Brazza, de Gide, d’Albert Londres, d’Alexandre Varenne, gouverneur d’Indochine, n’ont pas pesé lourd devant les lobbies des colons et les intérêts des compagnies importatrices de charbon, caoutchouc, riz, etc., etc.
Il y aurait tant à dire. La conférence de Berlin où les terribles moustachus européens se sont partagés l’Afrique à coups de règle, la conférence d’Algésiras où, si j’ai bien compris, la France a laissé les mains libres à l’Angleterre en échange de l'Égypte. Et la première guerre mondiale comme résultat de cette rivalité girardienne, et la deuxième comme résultat de la première…
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