Je me suis réconcilié avec les communistes !
Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias m’avait invité vendredi à présenter le socialisme républicain dans un dîner-conférence organisé au Sénat. Je m’attendais à un bras de fer courtois, certes, mais tendu avec le socialisme scientifique qui avait fait sa sortie de route, rappelé-je, en 1991. Pas du tout ! Le sénateur m’avait placé à sa droite ; il m’a tout de suite pressé l’épaule de la main et on s'est tutoyé. On a parlé agriculture pendant les pauses.
- J’ai vu sur wikipedia que tu étais spécialiste de l’agriculture gallo-romaine.
- Oui, oui, je suis d’une famille paysanne de Corrèze. Malheureusement, Pline est très mal traduit parce que les latinistes ne connaissent rien à l’agriculture.
- Lequel de Pline ?
- Le Jeune.
- Ah ! Moi, mon poète préféré, c’est Virgile.
- Je l’adore !
- Et puis aussi, je cultive des oliviers dans le Luberon.
- La mouche vous a pas trop embêtés, cet été ?
- Si, à cause de cet automne chaud… Tu sais ce qu’il disait, Pierre Leroux ? Il se préoccupait de ce que mange la terre qui nous nourrit. Que mange la terre, demandait-il ?
- Et alors ?
- Ben, il disait qu’elle mangeait les déchets organiques de tous les êtres vivants. Sauf, le plastique évidemment, qui se refuse au grand circulus comme il disait. On peut appeler ça de l’éco-socialisme. On est loin du productivisme industriel cher à Marx…
- Hélas, a soupiré le sénateur !
- Et le goulag, qu’en penses-tu ?
- J’en pense que le goulag n’est pas plus dans l’intention de Marx que l’Inquisition dans celle de Jésus.
- Évidemment, mais avoue que Marx a ouvert un boulevard au stalinisme en méprisant le politique, les droits de l’homme, la constitutionnalité (je m’autorise ce mot).
- Bien sûr. C’est vrai… Mais ce que Marx a apporté d'important, c'est l'attention qu'il accorde aux forces productives.
- C'est pas moi qui vais dire le contraire...
J’ai vu sur wikipédia que ton grand-père avait été fusillé par les Allemands.
- Mon arrière-grand-père !
Cet arrière-grand-père, le grand-père de Pierre, le père de Pierre, son père et même son frère ont tous été Conseiller municipal ou Conseiller général ou maire communistes. J’ai apprécié la façon dont lui-même honorait sa fonction par son élégance, jusqu’à porter un discret nœud papillon. Après, il nous a fait visiter le Palais du Luxembourg construit par Marie de Médicis et agrandi par Napoléon, et où Pierre Leroux avait siégé, avec les autres blouses, en tant que membre de la Commission qui a jeté les fondements de la Sécurité Sociale et de la législation du travail au printemps 1848.
Il y avait une séance qu’on pouvait suivre sur un écran. Un ministre parlait devant 25 sénateurs. Mais, de toute façon, ça serait tranché par le 49.3...
- Alors, si je comprends bien, tu as séché la séance en faveur de Pierre Leroux.
- Les finances, c’est pas trop mon truc mais j’ai siégé toute la semaine sur la culture.
- Alors, ça va...
- À propos, tu peux me dédicacer ton livre sur Leroux ?
- Sûr.
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