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J’ai trouvé un bon livre


C’est Sabine qui l’a sorti à l’Alcazar sur les conseils d’Ingrid. Ça s’appelle 5 dans tes yeux. On apprend ce que ça veut dire à la page 121 : quand on te demande si ça va et que tu réponds Oui, ça va, tu dois dire en toi-même 5 dans tes yeux pour te protéger du mauvais œil. Moi, je savais pas. C’est Marseille vue par l’autre bout de la lorgnette. Il faut dire que l’auteur qui s’appelle Hadrien Bels est un être amphibie, un blanc qui a grandi au Panier au milieu de jeunes de la diversité. Il parle de l’arrivée des bobos qui ont colonisé le quartier. Il les appelle les Venants. Ça commence comme ceci :


Les bars branchés et les boulangeries bio sont apparus près de la place des Moulins aussi subitement qu’une poussée d’herpès. La journée, les Venants se baladent ici comme un beau-père qui sort de la chambre de ta mère en caleçon.


Je me suis régalé de ces métaphores. Il faut dire que la mère est le personnage principal puisqu’à chaque fois que 2 garçons se rencontrent, la première chose qu’ils font, c’est de se demander des nouvelles de leur mère, et ils font le signe 5 avec leurs doigts. Aussi, quand ils disent Nike ta mère ou Va niquer tes morts, ils font allusion à ce qu’il y a de plus sacré. Bels est un poète qui fait beaucoup de métaphores par exemple pour parler de la ville :


La corniche est une belle femme qui te sourit même si tu as la gueule mal faite.


Je descends par Colbert, la grande poste qui a fermé. Elle avait une allure de femme fatale dans un film noir d’époque.


Le Boulevard national et son tunnel qui est beau sans le savoir.


Le marché aux Puces est depuis toujours coincé entre la mer et les deux autoroutes qui pénètrent Marseille par les deux bouts et lui font sacrément mal.


Dehors, le mistral ne débandait pas.


Bels raconte, un peu à la Bourdieu, les codes qui opposent les différents quartiers, vêtement, titre de rap, films et autres choses que j’ignore complètement. L’histoire de ses potes et des filles qu’il a baisées, j’ai surfé dessus à la recherche des trouvailles de langage qui abondent. Voici ma sélection :


Elle m’a largué comme on enlève un navet du couscous


Djamel avait cette capacité à arrêter son rire comme on éteint le feu de la gazinière.


Les croyances, c’est un truc qui te rentre dans le crâne comme un clou dans du placo.


De regarder toutes ces filles, ça lui donnait faim comme devant les poulets qui tournaient dans les rôtisseries de la rue Nationale.


Farouk avec son nez de chacal et Morocco avec sa gueule d’enclume traînaient dans la rue comme une bactérie sur une muqueuse. Deux hyènes avec de la mayonnaise dans la tête et de la harissa dans les veines.


Un grand noir de plus de deux mètres s’est levé la bouche en sang. Tous les 4, on a cavalé comme des cafards qui ont pris du Baygon plein la gueule.


Johanna écartait les fesses et il enfonçait son piment sans formalité.


Et soudain, une fille est apparue. Elle avait posé son visage de masque africain dans sa main droite. Je ne voyais qu’elle. Tous les jours, si elle le voulait bien, j’irais la chercher en bas des longs immeubles de la Castellane. On irait se mélanger sur des banquettes de voitures, des hôtels Formule 1. Je lui ferais découvrir le McDo, les multiplexes, les bowlings des zones commerciales.


Et pour conclure :


Ta gueule, Fatoumata !

 

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