J’ai retrouvé mes 20 ans !
C’est incroyable ! J’ai retrouvé mes 20 ans. Je vais vous dire comment c'est arrivé. L’an dernier, pour mon anniversaire, nous avons passé une nuit sur le port de Cassis. Cette année, je viens de faire la même chose. Je suis retourné sur les roches blanches où nous allions nous baigner il y a plus de 50 ans. Au petit matin, devant un double café crème, il faisait un peu frais, j’ai ouvert le carnet rouge que je m'étais réservé pour ce jour, le journal de mes 18-20 ans où je relatais jour après jour les péripéties de l’amour naissant, une alternance de fol espoir, d’angoisse et d’émerveillement. Chacun aura vécu cela à sa manière. J’ai passé la semaine à déchiffrer les hiéroglyphes microscopiques sous lesquels je dissimulais mes désespoirs et mes triomphes. Je retrouvais l’original éblouissant, j’emprunte cette expression à Gérard Nerval, de souvenirs que le temps avait fanés. Je n’ai jamais lu un roman aussi palpitant, de ces romans dont on est le héros. Et l’auteur en plus. Qu’on ne lâche plus qu’avec dépit, on n’a plus envie d’écouter les infos ni de parler d’autre chose et on s’attriste de voir diminuer l’épaisseur des pages qui restent à lire.
Je connaissais la fin de l’histoire, mais j'ai revécu avec une intensité intacte les émotions qui avaient été les miennes. Comme dans toute autobiographie, celui qui écrit n’est déjà plus celui qui a vécu. Chez Proust ou chez Chateaubriand, il y a toute une vie d’écart. Moi, j'écrivais à chaud mais je dirai que je relis en stéréo avec une immense profondeur de champ. Bien sûr, je suis le même et je me reconnais bien dans mes hésitations, mes fulgurances et mes sottises. Mais comme j’aurais envie de conseiller et de rectifier le jeune homme que j’ai été, rêveur et trop dans l'attente. Elle me le reprochait.
Chaque lundi matin justement, j’attendais follement son apparition devant les préfabriqués du lycée Thiers qui abritaient la classe de khâgne où j’étais encore. Nous avions rompu, ou plutôt elle avait rompu, mais elle venait rendre visite à son amie Nicole. Quelles qu’en fussent les circonstances, qui n’a connu les affres de l’attente, satisfaite ou déçue ? Chacun peut s’y retrouver.
Mai 68 approchait, qui a failli nous séparer. Quelle bêtise ! Et comme les choses tiennent à peu de chose, me suis-je dit à chaque page.
Comments