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Du port minéralier à la déchetterie


Comme Annick connaît mon intérêt pour les déchets, elle nous a invités avec ses amis à visiter la déchetterie de Fos qui digère les poubelles d’un million de Marseillais. En hors d’œuvre, on a visité en bateau le port minéralier de Fos, le plus grand d’Europe, et on a admiré les super tankers qui nous déversent du pétrole, du gaz, du charbon, et aussi des bagnoles, des conteneurs à gogo, venus du monde entier, plus des croisiéristes. Super photos sous un ciel plombé sur une mer gris fer. On nous a offert un beau dépliant Un port vert pour une économie bleue. L’écologie sur papier glacé. Une montagne de chiffres, tonnages de vracs, liquide et sec, de navires, d’hectares, de conteneurs, de camions. Ne manquaient que les cancers, quadruplés à Fos, m'a-t-on soufflé.

Mais toute cette matière première, me direz-vous, elle sert à alimenter notre vie quotidienne en bout de chaîne, et, après, qu’est-ce qu’elle devient, une fois consommée, cette matière ? Eh bien, tout est prévu et, l’après-midi, on a contourné le golfe de Fos pour gagner la déchetterie.

Là, une jolie fille, fort élégante, une brune, nous a accueillis et nous a fait passer devant un immense portique qui crachait une boue grisâtre à l’odeur fade et prenante que le vent d’est faisait tourbillonner. Chacun a remonté son col, rajusté son masque et pressé le pas. J’ai pensé au Directeur de l’Institut des aveugles dans le roman de Giono, qui faisait passer les familles venues abandonner leur être cher par la rue la plus ombreuse et la plus glaciale de Marseille. Une fois à l’abri dans une grande salle climatisée, la jolie fille, talon hauts, pantalon moulant, taille parfaite, petit foulard sur la poitrine, vifs coup d’œil latéraux pour répondre à chacun, nous a tout expliqué.

Les ordures ménagères de Marseille, plus de 1000 tonnes par jour, arrivent par deux trains, depuis les Aygalades pour les quartiers nord et la Capelette au sud, et sont triées automatiquement à l’aide de cribles, de centrifugeuses, d’aimants. On sépare métaux / organique / plastique. En gros, si j’ai bien compris, les métaux et certains plastiques seront recyclés. D’autres plastiques sont brûlés pour produire de l’électricité, avec traitement des fumées. L’organique après 3 semaines passés dans des digesteurs (j’adore !) donne du compost pour l’agriculture et du méthane, brûlé, lui aussi, pour de l’électricité.

Mais en fin de processus, il y a un reste incombustible, composé de gravier, de verre et de petits morceaux de plastique qu’on appelle le mâchefer (quel nom ! si vous savez de bonnes dents…) C’est la poussière grasse par laquelle on a été accueillis à l’entrée. Il y en a des montagnes que des tractopelles géants, travaillant aux phares, manipulent dans des hangars et qui finiront sous des routes, l’anus mundi.

Moi, j’écoutais d’une oreille, et d’un œil, j’évaluais la jolie fille, vraiment canon. Elle s’est présentée comme Directrice de communication du groupe EveRé. Sûrement très diplômée. Elle s’est exprimée une heure durant dans une langue impeccable, sans aucune expression avachie genre : conteneurs dédiés, nouvelles problématiques, sans le moindre du coup ni le plus petit sauf que. Le blème, c’est l’odeur, une odeur douce et sucrée, qu’on finit par ne plus ressentir, paraît-il.

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