Dans la série "Je vieillis mal…"
Ça commence au petit déjeuner. Depuis mon enfance, je prends des tartines beurrées avec de la confiture ou du miel que je trempe dans ma tasse de café, coutume que Michèle supporte dans sa grande tolérance. Eh bien, depuis quelques semaines, je n’en ai plus envie… J’ai essayé des aliments salés qui vont très bien avec le café mais je sens que c’est trop nourrissant. Des graines ? Des fruits secs ? Des biscottes ? Ce n’est pas dans ma culture. Je sais ce que je ne veux pas mais je ne sais pas ce que je veux… C’est pareil pour les livres. Ma sœur a très mal pris le billet où je disais que je désherbais ma bibliothèque. Et s’est sentie visée, Dieu sait pourquoi, et me dit que je suis raide.
J’ai essayé de lire Tchekhov. Je n’ai rien contre, c’est très bien, mais ça ne dit rien que je ne sache déjà : ces femmes mal mariées et ces oisifs qui s’ennuient, je les connais déjà par Chateaubriand et par Flaubert. J’ai ouvert un essai de François Jullien, édité justement par ma sœur. Il dit que l’Occident est tourné vers l’action et la discontinuité, et la Chine vers des processus. A priori ça m’intéresse, mais il y a trop de généralités et d’abstractions philosophiques. Trop de mots en somme, comme disait Joseph II à Mozart au sujet de ses notes. À mon âge, me taper tous ces paragraphes remplis de phrases et de concepts ! Impossible.
Alors, Annick, sachant que j’apprécie Virginie Despentes m’a conseillé de regarder La Grande librairie. Le nouveau présentateur a une bonne tête mais il pose des questions trop générales, genre Pour qui écrivez-vous ? Ou Qu’est-ce que vous pensez de la réconciliation ? ou Qu’est-ce que vous pensez de la violence ? Et les pauvres auteurs énoncent des banalités que tout le monde peut trouver au lieu de parler de leurs livres. J’ai coupé au bout de 20 minutes.
Hier, Michèle a voulu qu’on fasse un détour par Saint-Rémy. La ville est envahie par le commerce et les bobos au pas lent. En plus, c’était la Grande braderie ! Grognements. Je n’en démordrai pas, surtout au moment de mon anniversaire : il faut construire sa vie plutôt que de se laisser mener par le bout du nez dès les infos du matin… : chamailleries au Parti républicain, crise à Des chiffres et des lettres, etc.
Absa avait peut-être raison de me dire Bruno, vous filez du mauvais coton. Je devrais peut-être aller jusqu’au bout de Tchekhov et de François Jullien. Peut-être que je suis passé à côté de quelque pépite. Savoir… Au milieu du barnum de Saint-Rémy, Michèle n’a-t-elle pas déniché une adorable petite vierge mexicaine dorée et ne m’a-t-elle pas trouvé deux belles chemises en solde… ? En plus, la route bordée de platanes est une pure merveille à la tombée du jour !
Oui, je reste disponible pour les coups de foudre. J’ai dévoré la BD que Vincent m’a offerte pour mon anniversaire, Il était une fois en France, la vie d’un ferrailleur analphabète, génie des affaires, toujours accompagné de sa fidèle Lucie-fer… Excellent, du très grand art. Il n’y a pas de sexe pourtant, ou si peu, comme quoi, y a pas que ça qui m’intéresse…
J’ai aussi apprécié le livre de mon ami Jacques Berg Attaques I (Books on Demand, info@bod.fr), une sorte de journal dans le genre du présent billet. Je lis, page 339 : L’amour n’existe pas, seulement des gens qui s’aiment. La mort n’existe pas, seulement des gens qui meurent. Dieu n’existe pas, seulement des gens qui croient en lui. Qu’en pensez-vous ? Photo : Le néophyte par Gustave Doré.
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