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Comment on parle français




Les langues mortes n’évoluent pas puisqu'elles sont mortes. Normal donc qu’une langue vivante évolue et que des néologismes apparaissent quand ils sont utiles ou drôles. Il y a pourtant des expressions horripilantes.

D'abord les chevilles, je les appellerai comme ça, qui prolifèrent comme certaines algues toxiques : j’en ramasse des poignées chaque matin sur France Cul : en clair - c’est vrai que - sauf que - en fait - au final - du coup - au niveau de – quelque part -  je ne sais pas si – pas forcément – sans précédent. Ce n'est pas que ces chevilles soient horribles. Ce sont plutôt des automatismes, des tics, des réflexes conditionnés. Et, en toute chose, l’uniformité lasse. La langue s'assoupit.

J’ajouterai les verbes à tout faire instrumentaliser et stigmatiser.

Je m’étonne que des journalistes, dont la parole est le métier, ne se lassent pas d’utiliser comme des trouvailles des expressions du genre : Qu’est-ce que ça nous raconte sur…, Qu’est-ce que la politique fait aux femmes… La chanson dans tous ses états… Extension du domaine de la danse

Ce qui est carrément insupportable c’est problématique au lieu de problème, comme dans : votre fils a une problématique de santé. Je l’ai entendu. Deux syllabes en trop ! Et c’est un solécisme car les deux mots n’ont pas le même sens. Dans le même genre, je déplore la substitution de l’adjectif compliqué à difficile. C’est malheureusement hors contrôle. J’ai beau changer de fréquence, ça revient une fois par minute. Selon Le petit Robert compliqué = qui possède de nombreux éléments difficiles à analyser. Il est difficile de redresser un vieux fil de fer tordu mais ce n’est pas compliqué !

Là où je coupe carrément le poste, c’est quand j’entends : on a travaillé en profondeur sur comment intéresser les jeunes à l’opéra - le film dit tout sur comment existe le personnage [à la place de la façon de, dont]- avec la bête du Gévaudan, on en arrive à un mythe où une bête féroce… [à la place d’un mythe selon lequel]

J’aime pas trop plein de gens au lieu de beaucoup de gens ni On fait quoi ? à la place de Qu’est-ce qu’on fait ? Mais j’avoue que qu’est-ce que n’est pas bien beau non plus… Faut-il le supprimer ? Ça dépend du contexte.

Je finirai sur les expressions adverbiales dont je fais personnellement grand usage parce qu'elles cassent la prétention dogmatique. Beaucoup expriment la sagesse parce qu’elles appartiennent à la vie rurale traditionnelle :

ça ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval

tel qui va chercher de la laine revient tondu

sortir qq chose de derrière les fagots

donner du grain à moudre

c’est la dernière roue de la charrette

elle n’a pas inventé le fil à couper le beurre

mettre les problèmes sous le tapis / mettre la question sur le tapis

 

D’autres sont plus récentes :

 

résultat des courses

bon à ramasser à la petite cuillère

se tirer une balle dans le pied

cocher toutes les cases

il y a un trou dans la raquette

 

Il n’y aurait pas de langage sans stéréotypes, signes de reconnaissance qui rendent complice et enfoncent le clou de l’évidence, mais on entre là dans le domaine de la stylistique qui est beaucoup d'ordre psychologique. L’important est de rester maître de ses niveaux de langue et de bien placer sa balle suivant la position des partenaires.

 

 Photo : comment on parle aztèque.

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