Comment fléchir une inhumaine ?
Quelle est votre mosquée favorite ? Moi, sans hésiter, c’est la mosquée Ibn Touloun au Caire. Je l’ai visitée au moins 5 fois avec un émerveillement renouvelé. La dernière fois, on est entré dans une petite boutique de souvenirs et brocante juste en face. Michèle a acheté une douzaine de ces verres soufflés dont le vieux Caire a le secret. Moi, je suis tombé sur l’épigraphe qu’un amoureux avait écrite au crayon à la première page d’un roman français. Je l’ai photographiée. La voici :
Ton admirable corps dont le regret me ronge
Tu t’en servis, ainsi que d’un sûr instrument,
Afin de régner mieux sur un trop faible amant
Toi qui savais l’extase où la beauté me plonge.
C’était juste signé S. J’ai cru que c’était du Baudelaire, mais pas du tout. Je n’ai pas eu l’idée de noter le titre ni l’auteur du livre mais en face de l’épigraphe manuscrite, le premier chapitre comportait deux noms propres. Wikipedia m’a immédiatement renseigné : il s’agit du roman de Daniel Lesueur, Nietzschéenne paru en 1908. Ce Daniel Lesueur est en réalité une femme nommée Jeanne Loiseau, surnommée la Nietzsche française. Elle affirme dans une petite présentation qu'en dépit des apparences, Nietzsche est un auteur grec et français inspiré par les psychologues français du XVII° sans équivalents dans le monde, j’en demande pardon à mes lecteurs allemands. Je la cite :
On reprochait à Nietzsche sa théorie des maîtres et des esclaves, interprétée faussement comme un brutal conseil de l'écrasement du faible par le fort. Or, à ne point s'y méprendre, sinon par ignorance, légèreté ou parti pris, le vocable de « maître », chez ce philosophe, désigne l'homme qui sait se surmonter et s'élever jusqu'aux plus hautes valeurs qu'il ait en soi, fût-il au fond de l'ergastule, tandis que « l'esclave » est celui qui se laisse mener pas ses basses passions, occupât-il un trône.
Après un tel début, croyez-vous, mon cher lecteur, que le roman de JL était de nature à faire céder l'inhumaine destinatrice du quatrain ? Était-ce une très bonne idée de la part de S. de lui offrir ce roman ? Vous n’avez qu’à le lire : il est en ligne sur Gallica. (Moi, j'ai abandonné à la page 65...)
Comments