Blasphémer ou conférer ?
On nous conseille d'aérer nos pièces. C'est vrai que l'air n'est pas trop bon par les temps qui courent. Je ne fais pas seulement allusion au Covid. Il y a une façon de couper la parole aux autres que je trouve bien irrespirable, n'est-ce pas, mon lecteur ? Par exemple, sans aller jusqu'à couper la tête ou la langue à quiconque, Alice Coffin ose appeler les femmes à éliminer les hommes en ne lisant plus leurs livres, en ne regardant plus leurs films et en n'écoutant plus leurs musiques. Radical !
On dit souvent que pour connaître la France de demain, il faut regarder l'Amérique d'aujourd'hui. Dieu fasse que ce ne soit pas vrai ! Vous avez vu comment les deux candidats à la Présidentielle américaine ont fait leur discours à mille milles l'un de l'autre. Et il paraît que dans les universités américaines, il n'est pas rare d'expurger des programmes les passages qui ne sont pas politiquement corrects.
Montaigne disait, lui, que la conférence était le meilleur exercice de notre esprit et qu'il préfèrerait perdre la vue plutôt que l'ouïe et la parole. Il ajoutait qu'il aimait à être contredit parce que la chose la plus importante quand on discute, ce n'est pas d'avoir le dernier mot, c'est de découvrir la vérité. Tant pis si on a tort, ou plutôt tant mieux : comme ça, on s'enrichit d'une nouvelle vérité. Il appelait cet art de la discussion l'art de conférer.
Le maître de Montaigne, c'est Socrate qui, deux mille ans avant Montaigne, se plaignait des entretiens où on se quitte de façon lamentable après s'être insulté. Il disait que lui, il était content d'être réfuté et qu'il y a même plus d'avantage à être réfuté qu'à réfuter, parce, après, qu'on est débarrassé de ses erreurs. (Gorgias, 457d-458)
Quant au blasphème, dans cette optique, je suis pas trop chaud... Il me semble que ça ne fait pas bien avancer la discussion. Ça scandalise l'autre , et, après, le courant a du mal à passer.
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