top of page

Mon premier café


Je ne sais pas vous, mon lecteur, mais moi, ma plus grosse privation pendant le confinement, ce furent les cafés. Je pense à ce mot du pauvre garçon que j'ai connu jadis, dont la femme s'est suicidé au gaz, et qui aimait à dire : Quand on va au café, c'est pas pour l'café, c'est pour l'café.

Donc, samedi, à Cadenet, pendant que les femmes faisaient le marché derrière l'église, moi, je me suis attablé à la terrasse du Café du Commerce, place du tambour d'Arcole. Le soleil était déjà chaud. Le café, c'est aussi pour draguer, mais là, pas un chat. Ils vont venir m'a dit la serveuse... J'ai donc continué à éplucher le livre de Jacques que vous apercevez sur la photo. Comme je ne suis pas sûr que vous ayez l'œil assez perçant pour reconnaître l'étonnante écriture de Péguy reproduite sur la couverture, et pour la déchiffrer, je vous recopie :


En attendant que nous ayons fait la révolution sociale et fondé la république socialiste, le long effort intellectuel de nos aînés a fondé ce qu'il est convenu d'appeler la république des lettres. République, c'est-à-dire cité. Cette république a des mœurs qui la caractérisent mieux que des frontières ne la délimitent. Elle a presque des lois. Nous devons, nous socialistes, aimer cette vieille république des lettres.


Et si j'ouvre le livre, je tombe sur cette phrase :


La voix de Bernard-Lazare (le lanceur d'alerte de l'Affaire Dreyfus) n’aurait pas eu d’écho, elle n’aurait pas éveillé l’admirable résonance dont s’émerveillait Péguy si tout un peuple républicain n’avait pas été préparé à l’entendre, grâce à un miraculeux phénomène d’acoustique, les génies écoutant le peuple et lui prêtant leur voix, les enseignants comprenant les génies et osant s’adresser au peuple. Voilà ce qui valut sa gloire unique à notre XIX° siècle. Sans nos prosateurs républicains et nos poètes républicains, et sans l’école qu’avaient voulue E. Quinet et J. Ferry, le triomphe de la république ne serait pas une grande date.

bottom of page