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Des figuiers de barbarie sur le Mont Pèlerin


Président du Mouvement convivialiste, Alain Caillé s'est livré à une synthèse particulièrement réussie que j'ai abrégée pour la faire cadrer avec le format réduit de ce billet :


Si certains se demandent encore si le Covid-19 a une origine naturelle ou s'il est né dans un laboratoire de Wuhan, il est en revanche certain que le néolibéralisme est une pure création humaine. Un de ses premiers laboratoires a été la réunion en 1947, au Mont Pèlerin en Suisse, d’une trentaine d’intellectuels, dont les économistes Friedrich von Hayek, Milton Friedman ou le philosophe Karl Popper. De ce premier laboratoire vont sortir des idées virales qui, de mutation en mutation, se sont répandues dans le monde hors de tout contrôle sous six formes principales.

La première est que l’appât du gain est une bonne chose (Greed is good) ; la deuxième, que le marché est la seule forme de coordination efficace et légitime entre les humains ; la troisième, que la société n’existe pas, qu’il n’y a que des individus ; la quatrième, que par un effet de ruissellement, plus les riches, les premiers de cordée, s’enrichissent, mieux c’est pour tout le monde ; la cinquième, que toujours plus c’est toujours mieux ; et, enfin, qu’il n’y a pas d’alternative, qu’il nous faudrait vivre jusqu’à la fin des temps sous le règne du néolibéralisme.

Les premiers virus néolibéraux sont restés longtemps confinés dans les chambres froides des universités, laboratoires et autres think tanks néolibéraux. Les patients zéro, les premiers disséminateurs à grande échelle, furent les politiques. Margaret Thatcher a été la pionnière dans l’application de la pensée néolibérale dès 1979 : mise au régime sec de l’État, privatisations, mise à l’écart des corps intermédiaires, et notamment des syndicats. Quasiment au même moment, en Chine, Deng Xiaoping prenait les rênes du pouvoir et entreprenait une réforme majeure de l’économie, en proclamant : « Il est glorieux de s’enrichir ». En 1981, Ronald Reagan s’installait à la Maison Blanche et lançait un programme anti-keynésien brutal : « L’État n’est pas la solution à nos problèmes. Il est le problème lui-même ».

Avant même Margaret Thatcher, Georges Pompidou en France avait, dès 1973, interdit à la Banque de France de financer l’État, en l’obligeant à passer par les banques privées !

En 1989, avec l’effondrement de l’URSS, la Russie s’engage dans le chaos, et livre l'économie à quelques oligarques. Dans les pays en développement, le FMI et la Banque Mondiale vont s’évertuer au cours des années 1980 à 1990 à mettre en œuvre des programmes d’ajustement structurels, autrement dit d’austérité publique, pour répondre aux difficultés financières des pays endettés. Qui ne pourront payer leurs dettes qu’en s’endettant toujours plus.

Une surconsommation débouche sur des montagnes de déchets largement non recyclés. Des pratiques alimentaires modifiées débouchent sur une pandémie d’obésité largement imputable à la malbouffe. La liberté d’entreprendre encensée est largement bridée par de nouveaux cartels, en particulier les GAFAM. Les États-Unis avec des dépenses de santé délirantes ont parmi les plus mauvaises espérances de vie de l’OCDE. Le Royaume-Uni déplore dix ans de moins d’espérance de vie en bonne santé que la Suède, pays qui conserve encore de beaux restes sociaux-démocrates.

Pourtant, ce ne sont pas les idées qui manquent pour proposer des alternatives. Le besoin de proximité, de circuits courts, de convivialité, le rejet de la malbouffe font leur chemin. Les actions altermondialistes, les lanceurs d’alerte, malgré leur dispersion, ont permis de réduire le taux de létalité du néolibéralisme. Les tests réalisés in vitro sont prometteurs. Reste à les mener désormais in vivo.


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