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Sur le bavardage humain

C'est pas pour me vanter, mais la lecture du Monde me devient de plus en plus fatigante ! D’abord, il y a les nouvelles, mais les articles font en moyenne une demie grande page et il faut se débattre au moins deux minutes avant de dénicher l’information précise qu’on cherche, si on a la patience de descendre jusqu’au bout. À la fin du journal, il y a les libres paroles accordées à des personnalités spécialisées qui ont souvent droit à une page entière pour un propos qui se résumerait à dix lignes, une fois retiré tout ce qu’on sait déjà, les obscurités et les redites. Je préfère les feuilles qu’on ramasse dans le métro !

Un tel journal est pertinent pour les malheureux au cachot, qui ont besoin de faire durer, mais pas quand la vie nous appelle. J’ai à passer un coup de tracteur dans les oliviers, à réviser la situation du monde depuis la chute du mur de Berlin avec Matilda, à éplucher encore 6 articles de Jacques sur Giono, Jaurès, Leroux, Sand, Péguy et Bernard Lazare, à caresser les pieds de ma femme après lui avoir apporté le café, à fixer des tuteurs de bambou pour les haricots, à faire la déclaration d’impôts, à appeler le ferronnier car la fenêtre nord ne ferme plus, à résilier mon abonnement à Canal +, à passer prendre des masques à la pharmacie, à demander de l’aide à Florent parce que je n’arrive plus à sauvegarder mes données sur le disque dur externe, à prendre des photos de la maison avant que les roses aient défleuri, à remplacer l’armoire du cabanon par un bâti de brique et plâtre (ma femme, encore !), à piquer une tête dans la piscine et à vérifier ce que signifie au juste cette histoire de rame à la fin de L’Odyssée.

Au café, le matin, rien de mieux que les infos à la radio, notre prière du matin, comme disait Hegel, quand on a l’esprit encore engourdi, pour renouer avec le social et écouter la voix humaine, mais une fois ramassées les dernières miettes sur la table, comment supporter 100 fois les mêmes supputations sur le report ou pas le report des élections municipales, sur les écoles, les parcs et les plages, qui ouvrent ou qui n’ouvrent pas, sur l’impact de la crise sanitaire profession par profession, une chaque matin. Sur France-Culture, il est vrai qu'au lieu d’interroger l’homme de la rue sur ce qu’il en pense, Guillaume Erner invite des universitaires qui ont écrit des livres, mais là, on retombe dans une autre sorte de bavardage, des phrases d’un kilomètre pour répéter en termes abstraits des choses qu’on soupçonnait fort, avec force vocabulaire technologique et moult faire en sorte que… Mais comment tu fais, ballot, c'est ça qu'il faudrait nous dire ?

Conclusion, lisez le blog de Bruno. Il essaye de faire comme Angelo au Prytanée du Cengle, sur la route du Tholonet. Vous avez aimé relire Le Hussard sur le toit, plutôt que La Peste, mon lecteur bien avisé ? Alors, maintenant, prenez Angelo, c’est comme un brouillon du Hussard, mais à Aix plutôt qu'à Manosque et sans choléra. Angelo, qui s’ennuie comme Fabrice, avant de rencontrer l’amour, se perfectionne au sabre. Son maître lui enseigne à se débarrasser de ses italianismes et à gagner une fraction de seconde sur chaque geste…


Photo : un bel insecte sur la manche de ma chemise.

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