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La pédagogie des catastrophes


Si les médias n'embellissent pas trop la réalité, la France connaît un bel élan de solidarité conforme à l'appel de notre Président dans son dernier discours. Je crois sentir quelque chose qui rappelle les émotions partagées au moment des attentats de 2015. Comme si notre société individualiste et grincheuse était capable de retrouver les sentiments républicains qui ont fait sa grandeur en 1792, 1830, 1848, dans l'Affaire Dreyfus, en 1914, 1936, 1940.

C'est bien, mais il s'agit de tenir la distance et surtout de conserver nos bonnes résolutions pour le jour d'après, c'est-à-dire ne pas nous ruer dans la production et la consommation aveugles momentanément bloquées. Il ne s'agira pas de rattraper le temps perdu par une reprise de nos mouvements browniens et par un surcroit de gabegie et de pétarades. Le ciel s'est un peu éclairci, les insectes se remettent à proliférer et les oiseaux à chanter autour des aéroports... On ira chercher dans les vieux dictionnaires un vocable bien oublié, la frugalité. Si on s'en tire, on aura eu au moins une belle frousse. Le vent du boulet... Le Président a dit : Il faut revenir à l'essentiel. L'essentiel, c'est le partage. Il n'existe apparemment que deux systèmes depuis 1830, fin de l'Ancien régime : l'individualisme et le socialisme, pour utiliser les néologismes de Pierre Leroux. Lequel est le meilleur ? Question à 2 balles qui ne devrait même plus être posée !

L'histoire des trois Internationales des Travailleurs, celle des 1864, celle de 1889 et celle de 1919 est l'histoire de la phagocitation progressive et totale du courant anarchiste par le courant marxiste-léniniste, lequel fit naufrage dans le pacte germano-soviétique. Amen !

Alors retour à l'anarchisme, si mal nommé, puisqu'il s'agit en réalité de mutuellisme, d'associations locales, de coopératives refusant de se soumettre à la planification d'un État collectiviste ? C'est certainement là ce qu'il nous faut pour sortir d'une mondialisation ravageuse. Retisser la société civile en commençant par restaurer des activités agricoles à petite échelle, beaucoup plus fertiles et respectueuses de la nature.

Mais cela n'aura pas lieu sans la gendarmerie assurée par des États forts et des institutions internationales capables de dire Stop aux abus criants qui portent atteinte aux biens communs de l'humanité et des autres espèces.

L'alternative anarchisme / dictature de type soviétique est donc fausse et manichéenne. Par bonheur, il existe une troisième solution propre à nous sortir du mouvement de balancier qui donne le tournis depuis la révolution de Lénine jusqu'à celle de Margaret Thatcher, c'est le socialisme républicain dont je vous ai déjà entretenu, mon cher lecteur, et que résume assez bien le discours que Leroux prononça le 30 août 1848 devant ses collègues de l'Assemblée :


Il ne s’agit pas de faire intervenir l’État dans les relations sociales ; mais entre l’intervention de l’État dans les relations sociales et la négation de toute médiation et de tout droit tutélaire de sa part, il y a un vaste champ où l’État peut marcher et doit marcher, sans quoi, il n’y a plus d’État, il n’y a plus de société collective, et nous retombons dans le chaos.

L’État doit intervenir pour protéger la liberté des contrats, la liberté des transactions mais il doit intervenir aussi pour empêcher le despotisme et la licence, qui, sous prétexte de liberté des contrats, détruiraient toute liberté et la société tout entière. […]

Deux abîmes bordent la route que l’État doit suivre ; il doit mar­cher entre ces deux abîmes : inter utrumque tene.

Seule la synergie de l'État et des associations est en mesure de relocaliser l'économie et de la recentrer sur des activités bienfaisantes, mais il ne le fera que si nous l'y poussons de toutes nos forces. Voilà à quoi pourrait être bonne la pédagogie des catastrophes. Voilà aussi à quoi invite le Second Manifeste convivialiste (Acte Sud).


Photo : l'église de Vaugines.

 
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