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La morale s'apprend-elle ?



Je vous avais promis de revenir sur ce sujet dans mon billet du 17 janvier. Nous en avons justement reparlé à Old'up vendredi. D'abord, c'est quoi, la morale ? Si je pose la question, c'est que je crois avoir une réponse qui tient en une phrase : la morale, c'est la bonne proportion des dons qu'on reçoit et qu'on rend. On en reparlera si vous voulez.

Alors, comment apprend-on à bien proportionner le rendu par rapport au reçu ? On commence par recevoir : par recevoir la vie, les premiers soins, la sécurité matérielle et affective, denrées dispensées par les géniteurs. Après, la psychologie, c'est simple comme bonjour, comme la cicatrisation de la bouche ou du gros intestin. Si un enfant a bien reçu, c'est-à-dire ni trop ni trop peu, il imitera le geste et il donnera à son tour, à ses parents et à ses autres partenaires. S'il a mal reçu, si son amour-propre n'a pas été convenablement constitué, son plan de vie sera orienté vers la récupération de l'estime qui lui fait défaut et il rivalisera tout le temps avec les autres.

Les sociétés de la tradition ne faisaient pas tant de psychologie mais, comme leur nom l'indique, elles transmettaient. Trado, tradis, tradere, ça veut dire transmettre, confier faire passer. Quel était le contenu du message ? En un sens, peu importe. Ce qui importe, c'est qu'une sorte de secret soit transmis de génération en génération à partir des ancêtres qui avaient, une fois pour toutes, édicté les bonnes règles de vie. Et comme tout le monde recevait le même message, un sentiment de communauté se formait à partir de toutes ces lignes verticales qui reliaient les vivants aux grands ancêtres. En un mot, c'est la paternité qui permettaient la fraternité comme le résumé le sociologue Sami Tchak qui décrit ses sensations quand il atterrit à Orly :


Partir, c’est d’abord quitter un univers mental en interaction très précise au sein d’une société où notre arbre généalogique est connu, où l’on s’est identifié à une famille, une lignée, un quartier, un village, une tribu. Où l’on se sent maillon d’une longue chaîne solide et historique. Et voici que nous brisons la chaîne. Qu’il nous faut gérer notre destin. Accepter l’idée que nous sommes désormais des anonymes, que notre histoire n’a plus de sens. Et ce déracinement vertigineux ne fait que s’accentuer avec le temps.


Photo : un crapaud sec qui escalade un petit trépied pour faire bouillir la marmite. Je vous laisse interpréter, mon lecteur perspicace.


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