L'Œdipe, victime collatérale de l'affaire Matzneff
En 1897, Freud changea son fusil d'épaule, sous l'influence de Wilhelm Flies, autant que je me souvienne. Jusque là, il disait avec raison que beaucoup de problèmes de ses patientes venaient des agressions sexuelle dont elles avaient été victimes de la part de leur père. C'est en effet ce que nous lisons tous les jours dans le journal : l'inceste, descend de l'adulte mâle vers l'enfant. Mais en 1897, il renversa tout et se mit à dire que c'était le petit garçon, ce pervers polymorphe qui, bien avant sa puberté, désirait sa mère ; et la plupart des psychanalystes finirent par le croire.
Décidément, la sexualité est le point faible de la théorie freudienne, comme le soutenait Alfred Adler en 1911. Non seulement Freud a pris l'homosexualité pour une perversion, mais, en plus, il a inversé les termes de l'inceste, ce qui, dans le contexte permissif de mai 68, a abouti à faire baisser la garde aux psychanalystes. Pierre Verdrager montre dans L'enfant interdit que "les théories psychanalytiques ont été sollicitées pour mettre en évidence le fait que l'enfant était sexuellement actif. S'opposer à cet argument, c'était être hostile à la science." Catherine Vincent écrit dans Le Monde de vendredi dernier : "La théorie freudienne offrait un cadre idéal aux défenseurs de la pédophilie". L'affaire Dutroux en Belgique n'est pas venue à bout de cette incroyable confusion...
Remontant dans l'échelle des causes, certaines traditions antiques assurent que le vrai coupable dans l'affaire Œdipe, s'est Laïos, son père, qui a mutilé son fils en lui perçant les chevilles. Et pourquoi a-t-il fait cela, Laïos ? Pour échapper à son destin : l'oracle lui avait prédit que s'il avait un fils, il serait tué par celui-ci parce qu'un peu auparavant, il avait sodomisé le fils de son hôte ! Voilà le premier crime, celui du père ! (Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, PUF, p. 248)
Alors, vous voulez que je vous dise un grand secret, mon lecteur un peu naïf ? Ce qui se joue avant tout dans le huis clos familial, c'est la façon dont l'enfant est aimé. Savez-vous, à ce propos, que Gabriel Matzneff fut mal aimé par sa mère comme Vanessa Springora fut mal aimée par son père ?