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Ce bon vieux Lagarde et Michard !


Vous avez gardé un vieux Lagarde et Michard à la maison, mon lecteur un peu conservateur ? Vous avez bien fait ! Vous vous souvenez de l'époque où ce couple de vieux garçons (j'imagine ! ) était devenu un sujet de connivence railleuse comme on se moquait de Bouvard et Pécuchet ou du Lot et Garonne. Mais pourquoi au juste ?

Parce que jusque dans les années 75, c'est le marxisme qui donnait la note dans l'Éducation Nationale et, qu'après Soljenitsyne, c'est la déconstruction structuraliste et le mépris de histoire qui a tenu le haut du pavé, Barthes se chargeant de pourfendre l'histoire littéraire Alors l'idée de présenter la littérature dans l'ordre chronologique passait pour une idée ringarde bonne pour Madame Michu. Aujourd'hui, c'est du structuralisme qu'on fait l'histoire*. Dans Le Monde du 22 novembre 2018, j'ai encore pu lire, p. 13, à propos de la réforme des programmes de lycées, la remarque d’une enseignante de Bobigny : « La progression chronologique rappelle le Lagarde et Michard avec sa progression par siècles et sa glorification du génie national. »

Je garde un souvenir spécialement ému de la "divine classe de Seconde", comme dit Gabriel Matzneff à cause de Virgile, et du volume consacré au XVI° siècle avec le beau schéma du Jardin des Lettres françaises, la guerre picrocholine, Mignonne, allons voir si la rose, Heureux qui comme Ulysse... et Philosopher, c'est apprendre à mourir.

Et celui du XVII° avec les textes de Pascal, L'homme victime du divertissement, Les deux infinis ! Ou celui du XVIII° avec les philosophes des Lumières, Le Mondain, La propriété source de l'inégalité, celui du XIX° avec les poètes romantiques, Baudelaire, Quand le ciel bas et lourd, Hugo, Oceano nox ! Prenez n'importe quel auteur : vous vous apercevrez que Lagarde et Michard sont passés plus matin et ont cueilli les plus belles fleurs. Peut-être les présentations mériteraient d'être mises à jour, sans doute les questions en bas de page étaient un peu débiles. Qu'importe ! Le L & M, c'était avant tout une anthologie dans laquelle je me suis souvent replongé et qui n'a jamais été remplacée. Aucun des manuels qui ont voulu le faire, sur papier glacé, pesant deux kilos, n'a réussi car chacun mettait son point d'honneur à aller dénicher d'autres textes, forcément moins intéressants. Résultats, les professeurs maintenant distribuent de mauvaises photocopies et font lire des œuvres auxquelles il n'est demandé que d'être brèves et élémentaires...


*François Dosse, Histoire du structuralisme, 2 tomes, La Découverte, 1991.

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