Gabriel Matzneff, un revenant...

J'ai repris mes notes du début des années 80 où, depuis Ajaccio, je m'étais passionné pour Gabriel Matzneff qui, avec René Girard, m'a permis de purger le marxisme qui me servait jusqu'alors de philosophie. Cet anarchiste de droite bourré de contradictions donne tellement à penser ! Il se prévaut de sa névrose pour en faire une œuvre, ne cesse de maudire la vulgarité du monde moderne et de dialoguer avec les auteurs chrétiens et gréco-latins. Avec vous, mon lecteur, je rouvre Le Défi :
J'ai la nostalgie du monde antique. Le Galiléen fut dépourvu de savoir-vivre envers les autres dieux. Les dieux ressuscitent au printemps. Il n'y a qu'une tenue pour le bonheur, chemisette et pantalon de toile. Et au paradis, nous serons nus.
Contrairement à ce que dit le christianisme, les âmes meurent aussi.
La vérité a toujours un pied dans le camp adverse. Passionnons-nous, mais toujours avec un sourire hindou aux lèvres, car absolument rien n'a d'importance.
Puis, j'ouvre Vénus et Junon :
Il n'y a pas de genre mineur : les livres qui vous labourent et les autres.
Les querelles de l'époque m'intéressent aussi peu que les chamailleries des clochards sous ma fenêtre.
L'important n'est pas que moi, fourmi, je croie en Dieu, mais que Dieu, s'il existe, croie en moi.
La propriété, c'est le vol, ont dit Saint Chrysostome et Saint Basile.
Les Arabes, race de vaincus : source de ma tendresse pour eux.
Dormir à la belle étoile plutôt que dans un hôtel de second ordre.
Non à la voyoucratie soixante-huitarde.
Il y avait aussi les billets que Matzneff signait chaque samedi en page 2 du Monde :
Dans un monde soumis à la loi des méchants, seul un dieu pouvait clamer Bienheureux les pauvres, les doux, les pacifiques. [...] Le Christ s'est incarné pour nous affranchir de l'esclavage de la loi. Mahomet est venu pour la rétablir. Entre l'Ancien testament et le Coran, l'Évangile est un brûlot anarchiste. Le Christ est un hérésiarque bouddhiste. Un chrétien ne réussit sa vie que s'il la rate.
Ivre du vin perdu : À chaque seconde, le présent se métamorphose en passé comme la pièce de bois sous le rabot du menuisier se volatilise en copeaux vaporeux.
Le Carnet arabe :
La notion judaïque de peuple élu, comme celle de Sainte Russie ou d'Espagne très catholique est un signe de sclérose spirituelle. [...] Je ne peux être catholique romain. Dieu est mort le jour où Saint Anselme a prétendu prouver son existence sur la raison.
Quelques sensations qui ne déçoivent jamais : boire un verre d'eau fraîche, participer à une belle cérémonie liturgique, s'endormir à l'ombre des palmes.
L'Empire romain, jusqu'au triomphe du christianisme, fut l'empire de la tolérance.
Isis en pleurant Osiris, Vénus en pleurant Adonis, Cybèle en pleurant Attis sont de sublimes figures de la douleur de la Vierge au pied de la Croix.
Si les juifs n'ont pas reconnu en J-C le Messie, c'est parce qu'ils attendaient un roi qui dompterait les nations par les armes et non un vaincu qui devait subir la mort humiliante des esclaves. Le sionisme n'est rien d'autre que la nostalgie d'un royaume charnel avec ses frontières, ses armes et ses lois.
La colonne où Saint Syméon passa 37 ans. À ses pieds, 3 coquelicots.
Ça vous a plu, mon lecteur ? Alors remercions l'actualité qui nous invite à relire cet auteur qui n'a pas écrit que sur la caresse du corps des jeunes filles