top of page

L'affaire Dreyfus n'est pas finie


Vous avez vu l'excellent film de Polanski, J'accuse ? Ne le manquez surtout pas ! Quel héros, ce colonel Picquart, qui a bravé l'hostilité de toutes sa hiérarchie pour faire éclater l'innocence de Dreyfus au risque de sa carrière et de sa vie même, exilé en Tunisie, emprisonné une année. En même temps que l'Affaire Dreyfus, il y a eu l'Affaire Picquart, seul devant ses juges, comme Socrate, comme Antigone, comme Jésus, comme Jeanne d'Arc et Jan Hus, comme Giordano Bruno, comme de Gaulle le 18 juin 40. Il me semble que si nous n'aimons plus trop les dieux par les temps qui courent, il nous faut absolument des héros. Pourquoi ? Mais pour faire communauté, car une communauté a besoin pour exister que ses membres partagent une mémoire. Les Allemands partagent la honte du nazisme. Les Français la honte de la collaboration et du colonialisme. Soyons au moins fiers de nos vrais héros.

Une chose me chiffonne cependant, ce sont les articles du Monde, d'abord celui du critique-cinéma qui a trouvé Picquart un peu trop rigide, d'une rigidité trop militaire. Il est vrai que Picquart fut intransigeant sur les principes d'Honneur, de Vérité et de Justice. Et si c'est de l'armée qu'il reçut ces valeurs bafouées par ses chefs, mais nous en voulons des militaires de cette sorte !

Deux jours plus tard, dans Le Monde des Livres, Nicolas Weill publia un article intitulé Picquart, un héros sous réserve. Weill évoque l'antisémitisme de Picquart, mais cela est bien réversible car ce qui grandit en réalité son combat pour la justice, c'est justement qu'il combattit victorieusement ses préjugés. Et puis, dit Weill, Picquart n'a pas été le seul à faire éclater la vérité (1) : Mathieu Dreyfus, le frère d'Alfred, et le vice Président du sénat, Auguste Scheurer-Kestner jouèrent aussi un rôle. Eh bien tant mieux ! 3 contre tous, ce n'est pas si mal non plus. Weill reproche enfin à Picquart de s'être brouillé avec les frères Dreyfus quand Alfred a demandé à être gracié. On peut certes comprendre un homme à bout de force mais, pour le coup, Picquart fut plus dreyfusard que Dreyfus lui-même, voulant, comme Clemenceau et Jaurès, le faire entièrement réhabiliter. Et je trouve un peu fort que Weill en prenne prétexte pour tenir Picquart responsable de la persistance de l'antisémitisme en France.

Picquart ne fut sans doute pas un Dieu, mais, oui, il fut un héros !

Je ne manquerai pas Répliques que Finkielkraut lui consacrera samedi prochain.


(1) Si on inverse, ça donne : "C'est pas moi, Monsieur le commissaire, et en plus j'étais pas tout seul !"


Photo : le portrait du lieutenant-colonel Piquart que mon père avait punaisé devant son bureau.

bottom of page