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Peut-on vivre sans religion ?


Je vous offre aujourd'hui une page bien inspirée, mon lecteur, écrite par Pierre Leroux en 1832. Quelle hauteur de vue et quelle éloquence ! Une seule phrase d'un seul tenant, mais il y a des points-virgules qui permettent de faire des pauses si on est fatigué :


Au XVIII° siècle paraissent des hommes tout nouveaux, une race qui n’est plus la race du Moyen Age, et qui ne connaît guère plus ses ancêtres que le fruit d’une saison ne connaît le fruit mûri par un autre été ; une race qui n’est plus chrétienne, et qui n’a plus rien des Gaulois ni des Francs ; ignorant le Moyen Age et le méprisant, connaissant bien mieux la religion de Jupiter que la religion de Jésus, l’histoire des républiques grecques que l’histoire de France ; ayant pour saints non plus les saints du paradis, mais les héros de l’Antiquité ; façonnée enfin par les lettrés et les artistes de la Renaissance, et apprise dès l’enfance, dans les collèges des jésuites, à ne connaître, à n’aimer, à ne vénérer du passé que les Grecs et les Romains ; poursuivie, depuis le berceau jusqu’à la tombe, par cette vénérable Antiquité, ou plutôt par son ombre ; la retrouvant partout, dans les vers de ses poètes et à l’opéra, dans ses tableaux, dans ses monuments publics, dans ses maisons ; et tombant, sous le rapport de l’art comme sous celui de la religion, dans une sorte d’hébétement bien naturel, puisqu’en fait d’art elle n’avait qu’un art postiche, et qu’en fait de religion elle en avait deux, et ne croyait ni à l’une ni à l’autre.


Leroux parle d'hébétement parce qu'il pense qu'une société ne peut vivre sans religion. Et si on lui dit qu'on s'en passe bien, nous autre les modernes, il répond que nous ne sommes pas une société. Vous noterez que Michel Houellebecq dit exactement la même chose. Mais quelle religion, direz-vous ? Vous n'avez donc pas lu mon billet du 30 octobre, mauvais lecteur ! C'est l'animisme, bien sûr !


Photos : instantanés pris à Turin et Catane en septembre.

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