Sartre ou Soljenitsyne, il faut choisir

Depuis l'Affaire Dreyfus, l'intellectuel est celui qui dit le juste et le vrai. Régis Debray vient de nous demander de choisir entre Stendhal et Hugo pour le XIX° siècle. Et au XX° siècle ?

Je sors de la lecture de La Saga des intellectuels français de François Josse qui me donne bien à penser. C'est déjà lui qui m'a inspiré le billet sur de Gaulle de lundi. Alors quel est notre grand intellectuel au XX° siècle ? Sartre, bien sûr, qui fut à l'avant garde de toutes les luttes après la guerre, l'idole de Mai 68. Et pourtant...

Son cas illustre une fois de plus la grande misère de la vie intellectuelle française au XX° siècle. Sartre traita de fasciste de Gaulle qui avait résisté victorieusement à Hitler et aux généraux d'Alger, qui avait aussi résisté à l'URSS de Staline et à l'Amérique de la guerre au Viêt Nam.

Pendant ce temps, Sartre fut un compagnon de route du parti communiste, de la Guerre de Corée en 1952 à l'invasion de la Hongrie en 1956, mais, s'il rompit à ce moment-là, c'est pour embrasser le maoïsme à partir de 1970.

C'est en 1973 que parut L'archipel du Goulag. "Soljenitsyne est le nouvel intellectuel prophétique à la manière de Sartre, écrit François Dosse, mais avec un tout autre message."

Soljenitsyne précise que « son livre ne contient ni personnages ni événements inventés. Hommes et lieux y sont désignés sous leurs vrais noms ». C'est peut être pour ça qu'on put lire dans Le Monde en 1974 que Soljenitsyne était "un naturaliste du XIX° siècle attardé", et que BHL écrivit que "Soljenitsyne était un romancier du XIX° siècle égaré au XX° siècle". Quant à lui, Georges Marchais trouva que "L'Archipel n'était pas bien écrit."

C'est pourtant François Furet qui avait raison d'écrire : "Soljenitsyne seul a su donner à son combat un caractère d'universalité politique. Seul, il a réussi à réincarner un très vieux modèle de l'histoire européenne."