Les plus belles déclarations d'amour
C'est encore en fouillant dans des vieux papiers que j'ai déniché ces déclarations. J'ai retenu les trois plus belles. Trois, c'est le beau chiffre. Vous ne saurez pas qui les a écrites, mon lecteur, parce que ça ne vous regarde pas, ni à qui elles s'adressent. Voyez plutôt quelle écriture peut inspirer l'amour :
Chère princesse, comme je me réjouis de vous accueillir en mon royaume ; je vous dirai de façon poétique comment tout y est fait pour la délicatesse et le bonheur vrai ; les frontières en sont très lointaines, je n’ai pas tout exploré encore, mais il y a déjà des avenus bien tracées et des jardins qui vous attendent, et des collines et des sources et des ombrages ; que de promenades nous y ferons, que de sujets de conversation nous y trouverons ! Et de votre ombrelle, vous me montrerez parfois sur le sable des plans meilleurs que les miens. Et c’est votre sourire qu’on verra luire, sculpté dans tous les marbres…
Je voudrais bien vous écrire des lettres très belles, des lettres qui font naître le sourire sur les lèvres, qui détendent toutes les fatigues. Ce sera comme en une symphonie quand une flûte ne peut plus retenir une envie qui la prend de dessiner un petit trille et que l’on voit un flutiste à barbiche et à toque noire se secouer gaiment, tout aise d’égayer les réflexions sévères du quatuor. Il semble qu’un courant d’air plus frais passe sur l’orchestre, et le hautbois s’éveille à son tour, et puis c’est la clarinette. Et alors, on vous explique que c’est un morceau champêtre et que le cor anglais va venir semer par là-dessus un peu de rêve. C’est simplement qui le musicien avait l’âme belle et heureuse, et qu’il a fallu qu’il le montre un peu, pour se reposer, pour reprendre des forces et pour bien faire comprendre aux auditeurs que les plus sérieuses recherches du monde ont moins de grâce qu’une douce gaité…
Si vous étiez ici, je vous ferais étendre sur mon divan, je baisserais la lampe, je chercherais une musique très douce, je vous offrirais une cigarette et je m’assiérais près de vous en tenant votre main. Vous verrez comme mon univers est calme. J’ai longtemps été en exil, j’ai retrouvé mon royaume tout à fait désolé par les guerres, mais à présent il est en paix pour très longtemps, j’ai démobilisé toutes mes troupes et je peux réaliser un vieux rêve qui est d’inscrire sur toutes les pelouses de mon parc royal votre nom en corbeilles de fleurs ; les anciens soldats sont en livrée et tendent partout des oriflammes pour votre venue ; on s’apprête à sonner les cloches et j’ai prescrit pour vous une salve de canons. Rêvez à tout cela, ma princesse, et ne pensez à rien d’autre. J’envie votre ange gardien qui voit le sourire sur vos lèvres. Bonne nuit, ma bien aimée.
Photo : Ker-Xavier Roussel, L'Étreinte, 1889, Musée de Saint Tropez.