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Sur le noble et l'ignoble en architecture.


Je reste inconsolablement nostalgique des années 30, je veux dire esthétiquement parlant. Politiquement parlant, le fascisme et le stalinisme s’affrontaient avant de s’allier puis de se combattre. L’antisémitisme et l’esprit colonial faisaient partie du paysage. La France s’était en apparence relevée de la Grande guerre mais les Français avaient perdu leur fougue de 1914 et allaient se soumettre. Rien à regretter dans tout cela. Je sais bien aussi que si nous retrouvions la vie d’avant les 30 Glorieuses, nous serions effrayés par la misère, par la crasse et par la pénibilité de tant de vies.

Mon point de vie sera plutôt esthétique, sachant que toute esthétique cache une éthique.

Je pense aux maisons, je pense au mobilier. Mon pays référence est la Provence dont je ne suis portant pas natif. D’abord, les maisons étaient en pierre. Elles sont aujourd’hui en agglo. Je vais dire une chose horrible, mais c’est bien ma pensée : 90 % des maisons de pierre étaient belles dans la campagne, les villages et les petites villes, belles, ça veut dire construites en matériaux naturels sachant vieillir et de proportions harmonieuses. Aujourd’hui, 90 des constructions sont médiocres et tristes, celles qui mitent les paysages naturels ou agricoles, celles des lotissements autour des villages, celles des périphéries des villes, pour ne pas parler des zones commerciales. Le procès des barres d’immeubles monotones n’est plus à faire avec leurs jardins de bagnoles et leurs cages d’escalier à pleurer.

Mon dernier voyage en Corse a été un cauchemar tant y est saisissant le contraste entre la noblesse des villages anciens et l’ignominie des zones périphériques des villes et des zones littorales ! (ignoble = sans noblesse)

Attention, ce n’est pas un esprit réactionnaire et passéiste qui formule ces jugements sévères puisque j’accorde 10 % de réussite à la modernité dans l’architecture comme dans le design où la créativité se manifeste chaque jour par des productions admirables. C’est la production de masse que j’attaque. De plus, les vêtements et les voitures actuels n’ont rien qui me choquent, non plus que la signalétique de nos routes alors que l’esthétique de nos Postes est en dessous de l’acceptable avec son jaune et son gris...

Mais on retombe dans une affligeante médiocrité quand on examine le mobilier qui encombre l’intérieur des maisons actuelles : la faute en revient surtout à deux matériaux de synthèse, la matière plastique et l’aggloméré. Y a-t-il une malédiction propre aux temps modernes ?

Je voue une nostalgie invétérée envers le monde matériel décrit par Jean Giono et envers mes escapades adolescentes à bicyclette où j'allais "visiter" les fermes à l'abandon du sud Luberon en un temps où il n'y avait encore ni résidences secondaires, ni tourisme, ni Côté Sud.

En tout cas, chez nous, il n'y aura plastique ni aggloméré mais bois, brique, pierre, terre, fer, lin, verre, chaux, etc... Mais attention, jamais de pastiche ! Je vous disais bien que l'esthétique rejoint l'éthique, en l'occurence l'écologie.

Nota bene, quand je dis les années 30, je veux juste parler d'un terminus ad quem.

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