Visite de Persépolis
(Mardi 16 avril, incendie de Notre-Dame)
Visité le palais d’Artaxercès incendié par Alexandre, dont la masse s’élève dans le désert au pied d’une montagne rocailleuse. Pour des enfants de la Grèce comme nous, faire un voyage à Persépolis, c’est mettre le pied chez les Barbares. Isocrate et Démosthène nous ont répété, à coup de combien de versions grecques ! que les Perses étaient les esclaves du Grand roi, le Roi des rois, tandis qu’eux, les Grecs, c’est-à-dire nous, étaient des hommes libres qui choisissaient eux-mêmes leurs lois et que ce privilège de la démocratie, ils le devaient à la vaillance de leurs pères qui avaient battu les Barbares à Marathon et à Salamine ! Et par un coup de génie, Eschyle a raconté le désastre, l’anéantissement de l’armée perse, tel qu’il fut annoncé à la cour de Suse. Jamais les Perses ne s’en remirent et Alexandre leur donna le coup fatal deux siècles plus tard.
Ce palais, qui est plutôt un temple, est aussi colossal que celui de Karnak à Thèbes mais il nous a laissé une impression de violente sauvagerie. On y voit à maintes reprises un lion qui mord un taureau à la croupe. L’animal se retourne sur son agresseur, surpris par la douleur. Mais sur un autre bas-relief on voit un roi qui éventre un lion, symbole, je suppose, des 27 peuples que Xercès a soumis, lui-même ou les autres rois de la dynastie Achéménide, les Cyrus, les Darius ou les Artaxercès.
Le temple géant de Persépolis, perdu dans le désert n’était en réalité que le lieu où les peuples soumis venaient faire allégeance à leur maître en lui apportant force présents : leur long défilé est représenté sur les bas-reliefs. Les Mèdes, les Élamites amenant des lions, les Parthes avec des chameaux, les Égyptiens avec un taureau, les Arméniens avec un cheval et un grand vase, les Babyloniens avec des coupes, les Scythes aux bonnets pointus avec un cheval et des bracelets, les Assyriens, les Capadociens, les Bactriens d’Asie centrale, les Éthiopiens avec une défense d’éléphant et une girafe, les Somaliens avec une antilope et un char, etc., etc.
À cela s’ajoute que j’ai découvert le symbole de Mazda, un oiseau aux ailes déployées, gravé dans le palais achéménide. Une longue chaîne d’au moins 3000 ans relie donc le mazdéisme et toutes les religions qui en sont sorties, le zoroastrisme, le manichéisme et l’augustinisme pour aboutir au jansénisme.
Augustin, en effet, s’est peut-être converti au christianisme, il a conservé en réalité la vision en noir et blanc de sa première religion, le manichéisme, et c’est pour cette raison qu’en Europe, on a répété pendant mille ans que la cité terrestre était le royaume de Satan. La face lugubre du christianisme trouverait donc sa source en Perse ?
Conclusion, la démocratie, cette invention européenne, se serait construite à la fois contre le despotisme achéménide et contre la théologie mazdéo-zoroastro-manichéo-augustinienne, vous avez suivi la démonstration ?
(à suivre)