Jusqu'où Houellebecq est gaulliste
Il y a dans Soumission un beau personnage dont personne ne parle, c'est Alain Tanner, républicain convaincu, fils d'un résistant de la première heure, c'est-à-dire gaulliste. J'ai repensé à cela en lisant l'interview accordé par Houellebecq à Harper's Magazine en décembre dernier. On y lit que la France, "qui a rarement eu raison depuis de Gaulle", a bien fait de ne pas intervenir en Irak.
Plus généralement, Houellebecq défend une politique française de non alignement par rapport 1) aux États-Unis, 2) au communisme, 3) à l'Europe.
1) De Gaulle était souverainiste, dénonça l'atlantisme, fit sortir la France de l'OTAN, critiqua violemment la guerre du Viet-Nam dans son discours de Pnom-Penh. Houellebecq qualifie Donald Trump de clown effroyable et de personnage repoussant, mais, au moins, il nous lâche la grappe en continuant la politique de Barack Obama qui a bien fait de ne pas intervenir en Syrie. L'ingérence américaine dans le monde depuis 50 ans, dit Houellebecq, ne fut qu'une série de catastrophes et d'échecs : au Viet-Nam, en Irak, en Afghanistan, en Libye. L'Amérique a fait une politique immorale et répugnante au Nicaragua et au Chili.
2) Sachant que les régimes passent mais pas les nations, de Gaulle disait toujours la Russie, pas l'URSS. Adepte des socialismes français et anglais, Houellebecq rejette le marxisme inefficace et factice qui n'a marché dans aucun pays.
3) Artisan de la réconciliation franco-allemande, de Gaulle ne consentit qu'à une Europe des nations, refusant de faire des sauts de cabri devant un machin régi par un aréopage technocratique, apatride et irresponsable. Au nom du protectionnisme, Houellebecq dit tout le mal qu'il peut de l'Europe de Bruxelles, se félicite du Brexit, proclame qu'il est nationaliste comme Trump et qu'il ne considère pas le libre échange comme un progrès absolu.
Bref, Houellebecq est nationaliste mais le mot est ambigu. Notre grande révolution s'est faite au cri de Vive la nation ! et de Gaulle n'a cessé de défendre la nation, depuis l'appel du 18 juin, contre la soumission de Pétain. Le convivialiste Alain Caillé affirme que la nation est la bonne échelle de la solidarité, une échelle dont on ne saurait faire l'économie. Évidemment, Le nationalisme peut aussi être la pire des choses, fauteur de deux guerres mondiales.
Houellebecq montre le bout d'une oreille beaucoup moins agréable quand il choisit le cas de l'anti-libéral Éric Zemmour pour montrer que les médias qui lui refusent la parole ne sont pas libres chez nous et quand il met des guillemets à l'expression "chancre populiste" pour dire que le groupe de VISEGRAD (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) n'est pas seul à résister à l'islam, et qu'il ajoute l'Italie et l'Autriche. Alors là, Houellebecq n'est plus du tout gaulliste.