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Les avantages d'une belle carrosserie


Les féministes ont justement critiqué les calendriers Pirelli avec toutes ces bimbos dénudées qui posent chez les garagistes parmi les pneus et des huiles de vidange. Je vous propose cependant, mon cher lecteur, une brève rêverie sur l'analogie entre les belles carrosseries de nos voitures et celles de nos douces compagnes, je veux dire leur enveloppe épidermique, que nous aimons tant caresser les unes et les autres.

C'est une question de limite entre l'intérieur et l'extérieur. Je dirai qu'une carrosserie est une enveloppe qui crée une surface lisse et douce en dissimulant et en protégeant des organes fonctionnels compliqués, foie, rate et reins, des sucs, humeurs et pituites, des clapets, compte-gouttes et tuyauteries, je n'y connais rien. Nous avons tous eu l'occasion de méditer sur l'analogie entre le spectacle d'un moteur au capot relevé et celui d'un écorché, spécialement dans la région abdominale.

Il est clair que nous sommes dépourvus d'un sens capable d'éprouver la beauté des organes internes du corps dont nous n'admirons la merveilleuse utilité qu'avec un certain effroi, sans aucune vocation spéléologique. Il n'y a pas de continuité entre l'érotisme et la chirurgie. Je ne connais que Thomas Mann qui ait été capable d'érotiser les organes internes. J'ai reproduit la déclaration d'amour de Hans Castorp à Clawdia Chauchat, c'est son titre, dans mon billet du 17 août 17. Renzo Piano et Richard Rogers n'ont produit qu'un monstre, comme Damien Hirst, en externalisant les organes du Centre Pompidou !

Je ne dirai rien du merveilleux liquide, qui coule, vous le savez, mon lecteur, dès qu'on perce l'épiderme : ce n'est pas mon truc et je laisse à Giono sa rêverie sur la beauté du sang sur la neige.

Un mot par contre des passages ménagés par la nature entre l'intérieur et l'extérieur de la limite qu'est l'épiderme, autrement dit des muqueuses que Michel Houellebecq nomme les parties humides et qui captivent tant l'intérêt réciproque des deux sexes, je parle en régime hétérosexuel. Zones frontières, zones sensibles. À en parler froidement, l'anatomie des organes sexuels en particulier, féminins autant que masculins, évoque clairement les formes et l'aspect des organes internes. Je me souviens qu'on disait en Égypte que leur spectacle rend aveugle. Les poètes, les rêveurs et les amoureux ont heureusement su les embellir avec leur imagination au point d'en faire l'objet du souverain bien, la preuve même de l'existence de Dieu. Il me semble qu'ils ont raison.

Mais il est un autre organe, tout aussi divin, qui offre une communication entre le dedans et le dehors, c'est le regard. Les yeux sont bien plus qu'un organe de la vision comparable aux phares d'une voiture, c'est aussi une fenêtre par laquelle on peut regarder du dehors à l'intérieur d'une créature pour contempler cet indicible, l'âme.

Photo d'en haut : Belle américaine à La Havanne.

Photo d'en bas : Un mannequin de Lee McQueen par Ann Ray, Les Inachevés, Rencontres Arles 2018.

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