Nous sommes à poil !
Je reviens sur le croisement des courbes auquel je faisais allusion dans mon dernier billet, la courbe de la reconstruction pendant les 30 Glorieuses et la courbe de la déconstruction, selon le mot de Derrida, qui a mené à Mai 68. Mon idée est que le structuralisme a donné une idéologie à la voix des rockers qui, déjà, défendaient la liberté sauvage contre les croulants. Levi-Strauss a pris la défense des sauvages. Nouveau Victor Hugo, Foucault celle des fous, des prisonniers, des malades psychiatriques, de toutes les victimes du Pouvoir. Bourdieu montre partout à l'œuvre la Domination. La France tremble sur ses bases...
Mai 68, ce grand conflit de générations, s'est emparé de cette thématique et a combattu l'autorité avec tant de succès qu'il n'y a plus guère de conflit entre la génération 68, et les suivantes, celle qui avait 20 ans quand est tombé le mur de Berlin, puis celle des actuels millenials, sinon ceux que provoquent la dislocation et la recomposition des couples parentaux.
En fait, ce croisement des courbes n'est peut-être pas si nouveau que ça. L'entrée dans le monde moderne dès la Renaissance a signifié à la fois amélioration du niveau de vie grâce aux techniques et au commerce, et affranchissement par rapport aux normes : liberté religieuse avec Luther et Voltaire, liberté politique avec la prise de la Bastille, liberté économique avec les 3 Glorieuses, liberté de ne plus rimer en poésie avec Guillaume Apollinaire, liberté sexuelle en Mai 68. Bref, plus notre appareillage matériel s'enrichit, plus notre appareillage social s'allège. Et bientôt, nous serons à poil ! Les mots famille, religion ou patrie sont hautement suspects chez les intellectuels, dans Le Monde, à France Culture.
Cela s'appelle l'individualisme.
La question se pose immédiatement : comment retisser de la solidarité sans retomber dans les pièges de l'autoritarisme bourgeois, blanc, mâle, hétéro, etc. ?
Photo : toile de Jean Michel Basquiat.