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Le goût des Français


Michèle me dit que je ne devrais pas écrire ça, que je vais me mettre tout le monde à dos. Tant pis ! Mettons que ce soit un billet d'humeur...

Voulant louer une maison pour passer Noël en famille, j’ai vainement sillonné la Camargue sur airbnb à la recherche d’une maison de caractère. J’ai donc éliminé d’office toutes les villas contemporaines qui sont à pleurer en dehors de rares créations d’architecte. J’ai trouvé des propositions de mas de type provençal dans une belle nature mais les choses se gâtent quand on franchit le seuil. La propreté et le confort ne sont pas en cause, mais on a voulu bien faire et on a tout fait mal... Les espaces sont mal agencés, le mobilier est stéréotypé, les matières sont médiocres, les couleurs exagèrent et jurent entre elles.

Qu’est-ce qui me permet d’écrire cela, d’une façon que vous jugerez peut-être prétentieuse, mon lecteur qui ne me fait pas de cadeaux ? Je repars du contraste entre l’intérieur et l’extérieur. Pour être toujours cruel, je dirai que les occupants actuels d'un bâtiment traditionnel en sont juste les héritiers. Ils n'ont eux-mêmes choisi ni les proportions harmonieuses ni les matériaux, qui ont bien vieilli parce qu’ils étaient nobles, c’est-à-dire naturels. Et quand ils prennent les manettes, ils gâchent tout. Mais pourquoi ?

La bâtisse originelle a plusieurs siècles, c’est dire qu’elle est le fruit d’une tradition. C’est quoi, une tradition ? Ce sont des formes et des matériaux quasi imposés. Les formes étaient imposées par le fonctionnement de la vie agricole ou bourgeoise. Les matériaux, surtout la pierre, le bois et la terre cuite, étaient fournis par la nature. C’était une orchestration sans chef d’orchestre. On faisait comme ça parce qu’un processus darwinien imposait telle ou telle inclinaison à la pente des toits, telle dimension pour un linteau ou une voûte, telles proportions pour les ouverture. Il en résultait une harmonie au sein de chaque bâtisse et entre les bâtisses elles-mêmes.

Est-ce à dire que rien de beau ne peut être créé aujourd’hui ? Évidemment non. La preuve en sont les réussites incontestable de l’architecture contemporaine quand elle est l’œuvre d’un créateur doué non seulement de compétences techniques, mais encore d’une importante culture des formes, c’est-à-dire qui ait voyagé dans toutes les régions du monde et dans toutes époques de l'humanité. Je dirai que c’est cette culture qui permettra les meilleurs choix et remplacera les contraintes qu’imposait jadis la tradition au lieu de faire n’importe quoi.

Car l’essor des techniques et celui du commerce mettent effectivement à la disposition de Monsieur tout le monde les moyens de faire n’importe quoi et de se prendre pour un grand créateur. Or, le style et le goût, ça s’hérite ou ça se cultive. Bref, je ne crois pas à la démocratie en architecture.

Conclusion : nous passerons Noël chez nous car il n’y a que nous et nos amis qui aient bon goût, vous serez certainement d'accord, ô mes amis lecteurs.


Photo : exposition Matière noire Borondo Show, Arnavaux, Marseille, 2017.


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