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Les messages du Maréchal


Voulez-vous partager quelques minutes mon sujet du moment, l’Occupation de la France par l’Allemagne. Je suis d’abord occupé à regarder en famille cette très honnête série, Un Village français qui met bien dans l’ambiance de ces années troubles et j’ai déniché chez ma tante, dans un carton resté en souffrance, un fascicule qui a dû traîner dans bien des familles, Les Messages du maréchal. Il provient de la bibliothèque de mon grand-père paternel, capitaine d’artillerie de 1914 à 1919 (oui : jusqu’à la signature du traité de Versailles). J’avais déjà retrouvé les lettres qu’il écrivait chaque jour à sa femme et les avais publiées sous le nom de Lettres à Léa.

J’ai essayé de lire sans a priori les cent pages signées Pétain. Après tout, les Français ont été maréchalistes dans leur grande majorité pendant 4 ans. Je suis un fervent admirateur du grand Charles mais je suis obligé de reconnaître que le dilemme Pétain / de Gaulle a été terrible en 1940, et de comprendre que la paix ait pu paraître le souverain bien après une défaite cuisante.

Je me suis d'abord rendu compte à cette lecture de la posture christique adoptée par Pétain faisant « don de sa personne à la France », appelant au « sacrifice » après la « faute », à l’unité nationale dont Jeanne d’Arc fut "l’héroïne" (discours du 7 avril 40). Le discours du 25 décembre appelait à une renaissance derrière « l’étoile qui guidera la nouvelle France ». « Nul ne sera sauvé s’il n’a d’abord travaillé à se réformer lui-même. » (20 avril 41)

J’ai pu comprendre les appels pressants au travail et à l’effort pour relever le pays et pour assurer le quotidien après le drame : 10 millions de réfugiés, combien de prisonniers ? les ponts coupés, le blocus, les réquisitions par l'occupant. Je peux même, en tant qu’agriculteur, apprécier l’accent mis sur la culture de la terre « qui ne ment pas » (25 juin 40 et 20 avril 41) et en tant que pater familias approuver l’appel à la famille et la création de la fête des mères (25 mai 41).

J’ai bien remarqué que le capitalisme, l’argent et l’individualisme étaient attaqués aussi vigoureusement que les partis de gauche. La condition prolétarienne est dénoncée, « le taudis dans la cité laide, les hivers sans lumière et sans feu, la vie de nomade sans terre et sans toit ». « Les ouvriers, lit-on, veulent sortir de l’anonymat, ne pas être traités comme des machines, avoir avec leurs chefs des relations d’homme à homme. » (1er mai 41) « Le bien commun doit passer au dessus des intérêts particuliers » (discours du 1er mars 41). Cela peut s'entendre.

J’ai trouvé beaucoup plus inquiétant le discours du 13 août 40 appelant à « l’épuration de nos administrations où se sont glissés trop de Français de fraîche date ». Là est évidemment la tare impardonnable de Vichy.

Ce qui apparaît discrètement, dans de fugaces allusions, c’est l’alignement sur les systèmes allemand, italien et espagnol et le refus de l’ordre établi « depuis 150 ans » (à deux reprises le 8 juillet 41). Comment le vainqueur de Verdun a-t-il pu serrer la main du führer et se soumettre à l’ennemi de quatre guerres tout en criant au patriotisme ? Parce qu’il y avait une passion plus forte ! Ce qui ressurgit du plus profond à travers le régime du Maréchal rejoint par l’Action française, c’est le conflit des deux France. Le discours du 8 juillet 41 consacré à la réforme constitutionnelle est le plus explicite. Cette réforme doit


remplacer le peuple souverain exerçant des droits absolus dans l’irresponsabilité totale par un peuple dont les droits dérivent de ses devoirs. Il ne suffira plus de compter les voix ; il faudra compter leur valeur. […] L’État devra être autoritaire et hiérarchique. […] L’autorité doit procéder de tout ce qui représente la durée qui relie le passé et l’avenir et assure la transmission de la vie.


Ce discours insiste sur la "sélection des élites et la sélection des chefs". Je ne sais pas vous, mon cher lecteur sans a priori, mais moi, je ne serais pas absolument hermétique à ces paroles si une objection insurmontable ne se présentait immédiatement à mon esprit : par qui et comment seront choisis ces élites et ces chefs ?

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